Intéressant petit film sur les débuts de la psychiatrie du point de vue de l'histoire de la servante Augustine, internée à l'asile de la Salpêtrière, cobaye célèbre du professeur Charcot. La problématique de la mise en scène des patients souffrant d'hystérie est connue. Les séances étaient publiques et accueillaient la bonne société du moment.
C'est sans doute un tort de sembler opposer le pouvoir masculin au corps (et à l'esprit) féminin. Cette doxa de notre époque ne vaut guère mieux que celle de l'époque de Charcot. D'autant que c'est lui-même qui a démontré qu'il existait une hystérie masculine. Ce qui apparaît surtout dans le film est une opposition riches/pauvres sous celle maîtres/domestiques. Le statut des serviteurs correspondait assez à la relation colons/indigènes de l'Empire français d'alors. La colonisation a surtout servi à ce qu'on appelle aujourd'hui l'ascenseur social dans la mesure où elle permettait aux sous-fifres de l'administration coloniale de posséder de nombreux « boys » : les domestiques étant la marque de statut bourgeois à l'époque. C'est la décolonisation qui explique le désenchantement social actuel, mal analysé par les universitaires.
Plus précisément, ce qui est montré ici est que les médecins (aliénistes) et leur science, pourtant balbutiante et largement factice à l'époque, incarnent la nouvelle aristocratie qui a tous les droits sur les personnes et sur les corps. Les malades n'ont rien à dire face aux soignants (infirmières et médecins). Charcot n'a pas forcément le mauvais rôle face à cette société rétrograde : dans une société encore superstitieuse et bigote, il évoque lui-même les sorcières médiévales comme des malades incomprises.
Je m'interroge sur l'authenticité du cas d'Augustine tel qu'il est présenté dans le film (voire dans la littérature médicale), en particulier en commençant par présenter le déclenchement de sa première crise après la décapitation d'une poule. Cette scène était forcément banale à la campagne d'où elle est originaire. Il règne une certaine ambiguïté, tant sur les intentions des personnages médicaux (ambition, sexe, science, pouvoir) que sur la personnalité de la malade.
La photo du film me paraît aussi trop sombre, sans doute pour évoquer l'absence d'électricité de l'époque. J'avais déjà remarqué ce procédé pour La Môme (Piaf). Cela me semble négliger l'accommodation de la vision chez les contemporains. L'inconvénient est que ça passe mal à la télé.
La reconstitution se veut fidèle en développant des sortes d'intrigues parallèles nombreuses sur la vie bourgeoise ou académique, mais j'hésite un peu sur l'authenticité ou l'intérêt de la conclusion, un peu rapide.
Jacques Bolo
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