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Femmes - Octobre 2009

L'affaire Polanski

Roman Polanski, a été arrêté en Suisse le 26 septembre 2009 pour un abus sexuel sur mineure commis aux USA en 1977, et menacé d'extradition. Cette affaire montre les lignes de fractures réelles dans la société contemporaine. À tout moment, pour toute une série de questions spécifiques, des clivages apparaissent. Chacun s'attend à telle ou telle attitude. Chacun essaie de convaincre l'autre de sa cause avec tel ou tel argument. Il ne peut pas en être autrement. Ou plutôt, la seule alternative est une sorte de tolérance qui frise l'indifférence à autrui. Elle existe sur certains sujets, selon les pays, les époques, les personnes. Mais quand la question se pose, comme c'est le cas ici, le biais classique est d'argumenter en tentant de justifier par tous les moyens une opinion préconçue. La liberté de débat offre la possibilité de prendre connaissance de la diversité de ces opinions, même si chacun finit souvent par rester sur ses préjugés. On voit ici la difficulté de ce qu'on évoque quand on parle de complexité.

Questions juridiques

On peut considérer cette affaire Polanski comme un cas d'école. D'abord, parce que tout le monde était au courant, comme l'ont rappelé ses défenseurs. Le fugitif est mondialement connu, il est fêté universellement, il circulait librement dans de nombreux pays, et possédait une maison en Suisse où il se rendait régulièrement. Comme, accessoirement, cette affaire semble survenir comme monnaie d'échange entre les États-Unis et la Suisse à propos du secret bancaire, il est difficile d'en faire trop sur la mise au jour d'un scandale. Ceux qui dénoncent Polanski aujourd'hui auraient toujours pu le dénoncer à chacune de ses apparitions, comme on ne manque pas de le faire pour d'autres problèmes ou d'autres personnes.

Bayrou à l'occasion de la campagne pour les élections européennes des 2009, a porté des accusations contre son adversaire au cours d'un débat télévisé, Cohn-Bendit, qui avait lui-même écrit, dans un livre de souvenir sur sa période où il s'occupait d'écoles parallèles, que des enfants l'avait tripoté et qu'il leur avait dit d'aller jouer entre eux. Il faut dire que les sondages donnaient les écologistes de Cohn-Bendit en avance sur le Modem de Bayrou. Ce qui est particulièrement stressant. Ce rappel n'a pas eu bonne presse. Selon des informations apparues sur Médiapart, cette affaire avait été ressortie sur les conseils d'une des militantes du Modem, qui intervenait justement dans cette revue internet. D'autres lecteurs ont alors rappelé une autre affaire de pédophilie dans une école religieuse, Notre-Dame de Betharram, que François Bayrou aurait peu ébruité alors qu'il était élu local. Chacun a des cadavres dans le placard et des indignations sélectives.

Mais on peut toujours trouver cette affaire scandaleuse sur le fond et profiter opportunément de l'occasion offerte par l'acharnement procédurier de la justice américaine. Encore que de ce côté aussi les arrière-pensées politiques ne soient pas forcément indiscutables. On peut se réjouir qu'Al Capone ait été condamné pour fraude fiscale. On peut aussi ne pas s'en satisfaire, surtout quand on invoque les questions de forme (il aurait suffi qu'Al Capone ait de meilleurs conseillers fiscaux pour s'en tirer). Cette question ne peut pas être tranchée en disant simplement « c'est la justice américaine ». Il faut être prudent en ce qui concerne la question de la compétence universelle. Si on peut condamner pénalement en France un citoyen français qui se livre au tourisme sexuel en Extrême-Orient, il serait donc possible de condamner ailleurs des citoyens de ces pays qui font quelque chose de légal en Europe ou ailleurs, mais interdit chez eux.

Le fond de la question juridique, dans le cas Polanski, concerne surtout la question de la prescription. S'il n'y a pas de prescription pour ces affaires aux USA, eh bien il faudrait peut-être justement changer la loi. Spécialement aux États-Unis, où la loi évolue par la jurisprudence. L'Affaire Polanski montre éventuellement que quelqu'un peut commettre ce genre de délit sans mériter que cela le poursuive toute sa vie, en l'absence de récidive. C'est le fondement de la prescription. Sinon il n'y a pas de raison que la prescription existe pour aucun délit. Car on peut toujours penser ici qu'on réclame davantage un bon sujet pour les médias ou un coup pour un juge local au détriment de la victime elle-même, qui voulait tourner la page depuis longtemps.

On a su également qu'un accord avait été passé et rompu par le juge de l'époque, ce qui avait motivé la fuite de Polanski. Quand on parle de « justice », on parle simplement de « système judiciaire ». Alors que si on réfléchit au nom de la morale, on peut toujours remettre en question la procédure dans un sens ou dans l'autre. La phrase « j'ai confiance dans la justice de mon pays » est une blague d'homme politique qu'on entend d'ailleurs beaucoup moins depuis que l'impunité ne leur est plus assurée comme auparavant (la confiance des simples citoyens augmente d'ailleurs en proportion). Disons que Polanski « ne fait pas confiance à la justice américaine ». Le spectacle qu'on en voit à la télévision ou au cinéma laisse une impression ambivalente dont Polanski a pu avoir une impression plus directe qui ne l'a pas rassuré.

Un autre aspect de cette affaire concerne le fait que Polanski soit une personnalité médiatique. Outre la possibilité pour les médias, la foule, les juges et les politiques de vouloir se payer une célébrité, la question demeure que les puissants ne devraient pas être au-dessus des lois. On a légitimement mentionné qu'un violeur ou un pédophile pourrait désormais revendiquer l'impunité au nom de la jurisprudence Polanski. Il faut admettre cependant que s'il avait commis un tel acte il y a trente ans, sans récidiver, et que la victime veuille tourner la page, il n'y a pas de raison qu'on le juge comme un récidiviste (en invoquant le cas de Marc Dutrou ou autres tueurs en série). C'est précisément à cela que sert l'individualisation du mécanisme judiciaire. Même si les subtilités juridiques finissent souvent par être trop complexes, contradictoires, et mériteraient une simplification, ces éléments (prescription, non-récidive) ne sont pas trop compliqués à comprendre.

Ballets roses

Le cliché que les puissants et les célébrités sont au-dessus des lois concerne particulièrement le domaine de la sexualité. C'est aussi un problème qui renvoie un peu au fameux sketch de Guy Bedos : « Il est riche, il est beau, il est intelligent... et puis ? ». On peut admettre qu'on soit jaloux que les artistes s'envoient en l'air avec des groupies, des jolies filles (ou autres), des top models qui incarnent l'inaccessible, ou de très jeunes filles. Mais il est un peu hypocrite de s'en étonner. Prétendre que la loi doit être la même pour tous est un poncif. Si on veut dire que ce sont les artistes le problème, on peut penser qu'il existe aussi d'autres priorités.

Le cas spécifique de l'affaire Polanski contre Samantha Geimer (née Gailey) concerne exclusivement le fait qu'un homme de quarante-trois ans ayant des rapports sexuels avec une jeune fille de treize ans peut être indubitablement caractérisé comme un délinquant. On peut admettre d'envisager avec indulgence le cas particulier d'une histoire d'amour dans le style de « Mourir d'aimer », histoire vraie dont on a tiré un film. Mais cela resterait quand même susceptible d'une incrimination juridique au départ.

On peut cependant observer que la justice américaine s'occupe aussi de sexualité dans le cas de deux adultes consentants, comme le président Bill Clinton et Monica Lewinski. Les justifications pitoyables portent alors sur le fait qu'on a menti au juge (c'est-à-dire que Bill ne lui a pas dit : « Monica m'a fait une pipe »). Comme la justice ne se gêne pas pour attaquer la crédibilité des témoins, on peut discuter en retour de la crédibilité de la justice [1].

L'erreur méthodologique est ici de généraliser ou d'automatiser la peine, quand on évoque le tourisme sexuel ou les violeurs en série. On a pu lire que Polanski avait de la chance d'être riche et célèbre, parce sinon, il aurait été condamné comme un vulgaire violeur. C'est exact. Mais l'argument est à double tranchant. Surtout quand une personne ajoute qu'elle n'aimerait pas que ce soit sa fille. Car précisément, si c'était le cas, un certain nombre de parents seraient effectivement plus indulgents si une célébrité, plutôt qu'un adulte quelconque, avait des relations sexuelles avec leur fille. Et de nombreux parents accepteraient des indemnités. C'est finalement ce qui a eu lieu dans l'affaire en question.

Il est également exact que le fait que Polanski soit un rescapé de la Shoah ne lui donne pas le droit de violer des gamines, pas davantage le fait que sa femme Sharon Tate ait été assassinée par Charlie Manson quelques années auparavant, dans une des plus célèbres affaires criminelles. Encore qu'on pourrait à la rigueur faire une exception dans ce cas précis, pour une fois, car il faut bien admettre que le cas est quand même exceptionnel. Si on admet des circonstances atténuantes pour ce genre de traumatisme, Polanski est bien définitivement hors concours. Ou alors, il faut supprimer l'idée même de circonstances atténuantes.

Le débat peut tourner à la mauvaise foi. À quelqu'un ayant dit, au cours d'un débat télévisé sur le sujet, que Polanski avait été persécuté par la presse à propos du meurtre de sa femme, il a été répondu par Gisèle Halimi que c'était faux et qu'il avait été protégé. Elle semble mélanger les deux affaires. Au contraire, il est connu des cinéphiles (à moins qu'il ne s'agisse d'une légende urbaine) qu'une certaine presse s'était déchaînée alors qu'il était en Angleterre au moment des faits. Gisèle Halimi a menti en étant si affirmative, à moins qu'elle possède des informations, qu'elle aurait dû développer. Et il est bien question d'ordre moral et d'insensibilité (quand il venait de perdre sa femme enceinte dans des circonstances horribles, ne l'oublions pas) tant la part de la presse américaine pourrie que de Gisèle Halimi.

Quand on évoque les ballets roses, on reste bien dans la condamnation des moeurs décadentes, des artistes, d'Hollywood ou des années soixante/soixante-dix. Certains considèrent encore que ce n'est pas une excuse. On refuse encore l'individualisation ou la contextualisation, ce qui ne correspond pas au système judiciaire réel, ni à la simple humanité. Polanski venait d'une dictature communisto-catholique, au puritanisme qu'on imagine, et se retrouve propulsé au sommet de la gloire à Hollywood dans les années soixante-dix. Si ce n'est pas une excuse pour péter les plombs, comme c'est notoirement avéré pour de nombreux artistes, outre la prise en compte des traumatismes personnels mentionnés, alors rien n'est une excuse. Si on se place sur le plan juridique actuel, on devrait bien accepter l'arrangement initial ou l'idée de prescription.

On peut aussi noter que, dans l'affaire Clinton-Lewinski, le président avait justifié de ne pas avoir eu de rapport sexuel par le fait qu'il n'y avait pas eu de pénétration vaginale. Comme cela a été aussi le cas pour l'affaire Polanski (sexe oral et sodomie), il est probable que cela a justifié l'abandon de l'incrimination de viol. Cette question est un point important aux États-Unis, où l'on connaît l'image cinématographique de la drague dans les voitures, dans les drive-in ou au clair de lune. Il faut savoir que le principe est de ne pas aller jusqu'à la pénétration, mais tout le reste est possible (même si on ne le montre pas au cinéma). C'est ce qu'on appelle le « petting » (pelotage très poussé). Une fille bien élevée n'est pas considérée comme ayant eu des relations sexuelles dans ce cas (mais les nombreuses grossesses d'adolescentes montrent que les traditions se perdent). Une version française est la fameuse question de Thierry Ardisson : « Est-ce que sucer, c'est tromper ? ».

Protection de l'enfance

Cela ne veut pas dire que l'acte commis par Polanski n'est pas grave ou immoral. Ce n'est pas la peine de minimiser, comme l'ont fait certains artistes, dont Costa-Gavras, en disant que la jeune fille de treize ans en paraissait vingt-cinq. Ce qui n'est pas évident. Avec une restriction : il serait juste de montrer toutes les photos de la jeune Samantha (modèle professionnel à l'époque), pour pouvoir à juger impartialement, puisque cette affaire est tant médiatisée. Comme on ne présente en général qu'une photographie assez sage, cela s'apparente à une manipulation d'avocat.

La question de l'âge n'est cependant pas anodine. La maturité sexuelle légale ne décrit pas forcément la maturité réelle. On ne peut pas jouer sur l'ingénuité de la jeune fille de treize ans, si elle a déjà des relations sexuelles avec son petit copain. Cela n'excuse pas Polanski. Mais cela invalide l'argument de l'« innocence » dans ce cas précis. Il faut bien décider d'un âge de la maturité sexuelle légale (quinze ans donc), mais cela signifie que la maturité sexuelle réelle peut être antérieure ou postérieure selon les individus. La sexualité n'est pas un interrupteur qui se déclenche à quinze ans sur le principe : avant quinze ans = Off, après quinze ans = On. Cela signifie que les adultes doivent se contrôler (surtout ceux de quarante-trois ans, et les artistes doivent faire un gros effort). Car évidemment, la sexualité des adolescents est toujours latente et progresse petit à petit, en jouant de la provocation, comme le retour actuel de la mode des lolitas le confirme.

D'ailleurs, il ne faut pas oublier qu'en France, la majorité légale (générale) est passée de vingt et un à dix-huit ans en 1974. Cette limite était très importante à l'époque pour de nombreux aspects sociaux-économiques qui conditionnaient la sexualité, sans parler du service militaire pour les garçons, et la liberté en général. La notion de détournement de mineur interdisait en particulier le mariage sans consentement des parents. Ce n'est pas le cas concerné, mais cette réalité servait bien de cadre à la sexualité peu de temps avant l'affaire. La conséquence en était que la sexualité était donc souvent une transgression (outre le fait qu'elle le demeure).

Une discussion intéressante a eu lieu sur la question de la protection de l'enfance, toujours sur la revue Médiapart. Sur le blog de M. Philips, il est très justement souligné le traumatisme persistant des enfants violés par des adultes. Encore que dans le cas de Samantha Geimer, selon elle, le traumatisme vienne plutôt de la presse. Philips insiste beaucoup sur ce traumatisme. Mais il est possible qu'il néglige le fait tout aussi réel de l'attente de l'entourage qui peut le rappeler sans cesse. On imagine que c'est particulièrement le cas chez les familles puritaines, surtout aux États-Unis où la pression sociale est générale sur ces questions sexuelles. On peut considérer aussi que le traumatisme concerne spécifiquement les viols et non les cas où la relation sexuelle enfant-adulte est consentie. Dire que la relation enfant-adulte n'est jamais consentie peut renvoyer au refus de la sexualité en général. Concrètement, la jeune Samantha aurait bien pu être consentante. La considération légitime du jeune âge dans ce cas ne doit pas faire illusion, car pendant la période victorienne, la sexualité féminine de femmes adultes pouvait relever de la psychiatrie du fait de la pression sociale.

Dans le cas Polanski, le rapport sexuel n'était pas consenti. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il s'agit d'un viol. Il semble qu'il ait proposé des photos à la jeune fille, qu'elle soit venue seule, et qu'il se soit montré de plus en plus pressant, jusqu'à ce qu'elle cède. On peut qualifier l'acte de viol, sur le plan juridique, si on considère qu'elle a treize ans. Mais il ne faut pas faire non plus d'anachronisme. Le cinéma américain a popularisé la notion de négociation dans les rapports sexuels depuis une vingtaine d'années. Mais ce n'était pas le cas auparavant. De très nombreux rapports sexuels prenaient la forme d'une lourde insistance et la fille finissait par céder, spécialement si on la faisait boire. Une des raisons de l'insistance était d'ailleurs que la fille était censée résister pour ne pas passer pour une salope. Elle finissait par céder parce que la chair est faible, que tout le monde considérait qu'elle finissait par en avoir envie, et que la sexualité existe. Le fait que Polanski ait plus de quarante ans aurait même tendance à l'excuser, puisqu'il en était sans doute encore plus ainsi quand il était jeune. Le fait qu'on considère aujourd'hui que ce comportement s'apparente au viol conforte certaines féministes, qui considèrent que tous les hommes sont des violeurs. Mais, outre l'anachronisme signalé, on peut considérer aussi que cela relève de la négation du désir féminin, ce qui est un peu gênant pour le féminisme.

Ordre moral

Soyons clairs, toutes ces excuses circonstancielles ne m'empêchent pas de penser, comme Samantha Geimer, que Polanski est un porc. Il me semble que la position indulgente de Samantha Geimer s'explique précisément par la prise en compte lucide du contexte (on ne peut quand même pas lui reprocher de ne pas être davantage traumatisée) : Polanski, une célébrité mondiale, l'a attiré dans la maison à Hollywood d'une autre célébrité mondiale, Jack Nicholson, en prétextant des photos, la fait boire et abuse d'elle. C'est particulièrement minable. Là où il y a tromperie, c'est qu'elle pouvait penser qu'une célébrité internationale n'était pas un vulgaire pornographe qui utilise le vieux stratagème éculé des photos artistiques pour tirer un coup. Mais c'est peut-être ça le problème. Tout le monde imagine un peu trop facilement que les gens célèbres sont meilleurs que les autres. Au fond, on est plutôt injuste envers les vulgaires pornographes, les touristes sexuels, les pédophiles et les violeurs. Car ils ont, eux, l'excuse de ne pas être riches et célèbres. La misère sexuelle est une chose bien dramatique. Et il est possible que Polanski lui-même en ait souffert plus qu'on le croit. Il aurait dit à propos de cette affaire que la jeune fille « représentait la pureté ». Ce qui peut être considéré comme l'aveu d'une représentation de violeur ou, ce qui revient au même, de la pathologie qui découlait du refoulement sexuel avant les années soixante. On imagine la situation en Pologne, idéalisant la féminité au point de nier la sexualité féminine, en la considérant comme impure.

Quand on incrimine les années soixante (outre l'hypocrisie puisque la sexualité existait évidemment auparavant, avec les bordels en particulier), il ne faut pas oublier que le cas notoire des prêtres pédophiles prouve d'abord les limites de la négation de la sexualité, et pas le contraire. Car on imagine bien que les séminaires ne sont pas conçus au départ comme des lieux de formation à la pédophilie. Même l'athée le plus virulent ne pense pas que cela fait partie de la doctrine catholique (même s'il peut ironiser sur « laissez venir à moi les petits enfants », mais c'est de bonne guerre). Il y voit au contraire une conséquence du refoulement sexuel et devient partisan du mariage des prêtres. Ce qui est une preuve de tolérance et correspond à un but essentiellement prophylactique, puisqu'un athée ne souhaite évidemment pas le développement de la religion qu'entraînerait une situation supposée plus saine.

L'accusation de Mai 68 et de la libération des moeurs dans ce genre de débordement commet aussi un contresens et une malhonnêteté intellectuelle. Avant 68, ces phénomènes existaient, mais ils étaient dissimulés, au besoin en accusant les enfants eux-mêmes, spécialement les filles qui étaient considérées comme des petites vicieuses, surtout dans le cas des célébrités, des notables ou des prêtres. Et les hiérarchies religieuses, scolaires ou judiciaires elles-mêmes organisaient la dissimulation. C'est justement la libération sexuelle qui a porté au jour ces phénomènes et qui a combattu la pédophilie, le viol ou les maltraitances, malgré les excès occasionnels de la libération des moeurs. Quand, dans cet ordre d'idée, Michel Onfray se dira du côté des victimes en évoquant sa propre enfance (voir Biographisme), il oublie précisément le fait sociologique pertinent que les victimes dont il parle étaient muselées, à l'époque. Mais Onfray est un philosophe qui ne maîtrise pas cette méthodologie sociologique minimale et régresse à la morale, malgré son nietzschéisme claironné.

En outre, les moralisateurs négligent sans doute une caractéristique particulière du contexte en question, qui n'a pas été mentionnée dans cette affaire, à ma connaissance. Il se trouve que la société américaine valorise un peu trop les hommes grands et musclés, spécialement sur la côte Ouest, à Hollywood. Le cinéma s'en fait aussi l'écho en opposant le modèle des footballeurs américains aux bons élèves boutonneux. Or, n'ayons pas peur des mots : Polanski est un nain. C'est un grand réalisateur [2] mais un petit homme. On peut considérer comme une excuse supplémentaire le fait qu'il en soit réduit à s'attaquer à des filles de sa taille.

Jacques Bolo

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Notes

1. Il s'agissait en fait d'établir qu'il n'y avait pas eu harcèlement sexuel dans ce cas aussi, du fait d'une plainte dans une autre affaire. Mais cette affaire ne s'est pas arrêtée là, et l'hystérie sur le sujet relevait davantage du bon coup politique et médiatique bien croustillant. [Retour]

2. Encore que ce ne soit pas mon réalisateur préféré (dans les nains obsédés, je préfère Woody Allen). J'aime bien Chinatown (1974), Frantic (1988), et surtout Tess (1971), mais je n'aime pas trop sa veine angoissée. Et son film, Le Pianiste (2002) qui lui a valu tant de récompenses, me paraît totalement médiocre et sans aucun intérêt. [Retour]

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