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Sociologie / Références - Janvier 2022

Ferdinand Tönnies, Communauté et Société (1887)

Résumé

Tönnies (1855-1936) est surtout connu pour cette opposition Communauté et Société qui se résume à une valorisation de la communauté, considérée comme « organique », contrairement à la société considérée comme artificielle. Sa perspective très marquée par la psychologie en utilisant les termes de « volonté organique » et « volonté réfléchie » pour caractériser les deux options. Mais on oublie généralement de mentionner que Tönnies a recours à une référence fréquente à Marx, du fait de la relation entre communauté et communisme.

Édition commentée ici : Ferdinand Tönnies, Communauté et Société : Catégories fondamentales de la sociologie pure, Introduction et traduction de Joseph Leif, coll. « Les Classiques des sciences humaines », éd. Retz-CEPL, Paris, 1977 (PUF, Paris, 1944), 286 p.

Nouvelle édition : Ferdinand Tönnies, Communauté et Société : Catégories fondamentales de la sociologie pure, éd. PUF, Paris, 2010, 336 p.

Introduction

L'opposition Communauté et Société est devenue une sorte de cliché sociologique. Une raison est sans doute que la lecture du livre de Tönnies (1855-1936) est fastidieuse et qu'on survole le livre au lieu d'en faire une lecture suivie. L'auteur prétend exposer des « Catégories fondamentales de la sociologie pure », comme l'indique le sous-titre, mais cela correspond plutôt à une sorte de manuel scolastique pour justifier répétitivement cette opposition.

La communauté est considérée comme « organique » et la société comme « réfléchie » (abstraite). Plus précisément, Tönnies parle de « volonté organique » et de « volonté réfléchie » en s'inspirant du philosophe et moraliste F. Paulsen qui disait « toute nature psychique représente une volonté », comme l'indique le traducteur Joseph Leif dans sa préface (p. 17). Tönnies voit l'organisation sociale comme l'expression d'une force vitale : « La volonté organique est l'équivalent psychologique du corps humain ou le principe de l'unité de la vie » (p. 125) qui relève plutôt d'une pétition de principe. N.B. Nicolas Berdiaeff, dans L'homme et la machine (1933) dont j'ai aussi fait un compte-rendu, utilise aussi la notion d'organique qu'il oppose lui-même à organisation.

Les définitions de Tönnies prennent une tournure hégélienne quand il « distingue la volonté dans la mesure où elle contient la pensée, et la pensée dans la mesure où elle contient la volonté. Chacune présente un tout cohérent où les sentiments, les tendances et les désirs [...] ont leur unité, laquelle unité doit cependant être comprise dans le premier concept comme réelle ou naturelle, dans l'autre comme idéelle et artificielle... » (p. 125). Mais cette notion d'unité ne sert à rien si c'est pour caractériser n'importe quelle entité : « rien n'est unité dans la mesure où il est partie et tout est unité dans la mesure où il est tout » (p. 207). Les considérations de Tönnies s'annulent très souvent.

Dire qu'il existe des comportements instinctifs et d'autres qui sont réfléchis est une référence à la distinction nature/culture. Mais l'idée de volonté implique pourtant la conscience. Tönnies la généralise même à la volonté végétative et la volonté animale (p. 127). Sa conception est une généralisation organiciste de la vie végétative à la vie sociale : « l'être social est par rapport à la communauté ce que l'animal est par rapport à la plante. L'idée générale de l'être vivant est représentée plus purement par la plante, plus parfaitement par l'animal [...]. Les fonctions végétatives, servies par les autres, se maintiennent comme plus essentielles » (p. 255). En se fondant sur ce substrat biologique, la sociologie de Tönnies est marquée par une interprétation systématiquement psychologique qui tourne à l'animisme.

Cette idée de volonté organique comme force vitale s'oppose chez Tönnies à l'activité réfléchie qui « met le corps en mouvement par un choc extérieur (lequel corps n'est représenté que comme inanimé) » (p. 126). Il reprend ici le modèle aristotélicien du mouvement pour l'appliquer à l'humain en société. La volonté réfléchie fonctionne sur le mode d'un programme robotique extérieur par opposition à la volonté organique innée supposée pour la communauté. Les philosophes Hubert Dreyfus et John Searle, que j'ai critiqués dans mon Philosophie contre Intelligence artificielle (1996), ont bien dû s'inspirent de cette idée d'« inscription corporelle de l'esprit » pour nier la possibilité d'une intelligence artificielle.

On peut penser que Tönnies considère que ce qu'il appelle la volonté organique est le fruit de l'évolution : « les dispositions ou les inclinations deviennent dans ce processus des aptitudes [...] en liaison ininterrompue avec le germe de la volonté originelle » (p. 128). Le darwinisme était à la mode. Mais il reprend aussi la thèse du philosophe français Félix Ravaison (1813-1900) sur l'expérience : « l'habitude est à distinguer de ce qui précède comme étant la forme animale de la volonté organique. [...] L'expérience est exercice » (p. 132), avec l'idée que quand on s'exerce, les comportements deviennent naturels. On peut déceler un certain déterminisme spinoziste : « les activités spécifiquement humaines, donc les activités dites ordinairement libres, doivent être déduites, dans la mesure où elles appartiennent à la volonté organique, comme des propriétés de celle-ci » (p. 138). Dire que la volonté réfléchie « suppose déjà la forme achevée de la volonté organique » (p. 144) peut correspondre à l'idée d'Auguste Comte, pour qui le sociologique suppose la physique, la chimie, la biologie et la psychologie, quoique Comte place la sociologie au sommet, alors que Tönnies semble favoriser le substrat biologique. La vraie question est plutôt l'autonomie de ces instances. Il mentionne aussi la soumission de l'homme à la recherche du bonheur, sans doute comme allusion à l'utilitarisme (p. 149), tandis qu'il envisage la course à la puissance et la guerre de tous contre tous d'Hobbes qu'il attribue à la volonté réfléchie de la société (p. 151). Plus généralement, les références employées ne sont pas souvent indiquées, à de rares exceptions près.

On peut dire que Tönnies pense simplement que les formes archaïques ou élémentaires de la sociabilité sont naturelles et que les sociétés modernes sont artificielles. À la fin de son livre (pp. 280-281), il résumera la différence d'organisation entre la communauté (vie familiale, concorde, coutume, religion) et la société (ville, convention, politique, opinion, vie cosmopolite savante) avec comme fonctionnement pour la communauté (production agricole, art comme mémoire) et pour la société (commerce, calcul, contrat, industrie, capital, science, presse et opinion publique). Ce qui pourrait consister en un exposé de l'évolution historique se résume à une valorisation de la communauté, considérée comme organique, contrairement à la société considérée comme artificielle. Il peut éventuellement s'agir d'une certaine maladresse d'exposition, mais elle repose sur l'idée que la communauté correspond donc à la nature humaine authentique.

Le livre, ébauché en 1881, a été publié en 1887 (p. 17). Le traducteur, Joseph Leif, qui a fait sa thèse sur Tönnies, indique que l'auteur a enseigné la philosophie, mais n'a pas connu de succès. En 1883, il n'avait plus qu'un seul élève (p. 18). Leif note très justement son propos que : « plus rationaliste qu'empiriste : [...] sa philosophie ne répond-elle pas à la distinction des idées nécessaires et absolues, qui doivent correspondre aux essences réelles des choses » (p. 33), et « sa méthode sociologique résidant essentiellement, comme d'ailleurs la plupart des sociologues allemands contemporains, dans le fondement logique des notions considérées comme le cadre de la connaissance sociale » (p. 36). Un problème était aussi de considérer les catégories allemandes de son temps comme universelles.

L'influence formaliste de Kant a sans doute été plus forte de celle empiriste d'Auguste Comte en ce qui concerne la sociologie comme science. Leif mentionne que « Tönnies [...] a d'abord estimé que, comme les sciences naturelles, la sociologie devait faire appel à l'observation et à la classification de tous les faits ; mais son attitude à cet égard s'est peu à peu modifiée [...] il n'y a de véritable science [...] que celle des notions, l'examen des faits ne mérite pas le nom de science. [...] En sociologie comme dans toute science, ce sont les constructions de la raison pure qui nous donnent l'accès à la réalité. » (Leif, pp. 41-42). Mais les constructions de Tönnies ne sont pas celles d'une raison si détachée du banal contexte historique.

Finalement, après un insuccès pendant vingt ans , comme l'indique Leif, Tönnies exercera bien une influence sur la sociologie philosophique allemande (Othmar Spann, Theodor Litt, Max Weber, Franz Staudinger, Wilhelm Metzger, Max Rumpf, mais surtout Herman Schmalebach, Alfred Vierkandt, Theodor Geiger ou Johann Plenge, pp. 37-39). Mais cette influence se manifestera surtout de façon vulgarisée par une approche moraliste, pour qui « la communauté devient l'équivalent de ce qui est originellement bon, juste et libre, la société de ce qui est mauvais, injuste et contraint » (pp. 40-41). Leif mentionne « le Mouvement de la jeunesse [...qui...] fait appel à l'âme et au sang contre la raison et les choses » (idem), ainsi que Spengler avec Le Déclin de l'Occident (idem). Cette tendance correspond au traditionalisme völkisch, issu des recherches sur les traditions populaires dans la lignée des frères Grimm, qui servira de précurseur culturel au nazisme. Leif indique que « cette [...] influence reste en dehors de la sociologie. » (p. 41), ce qui n'est sans doute pas très sociologique, d'autant que Tönnies parle bien du rôle de l'opinion dans son système.

Les notions de communauté et société que Tönnies essaie laborieusement de construire sont plus philosophiques que sociologiques. Leif précise d'ailleurs que l'opposition solidarité organique/solidarité mécanique de Durkheim, inverse la donne par rapport à Tönnies en considérant que c'est la société qui correspond à l'organique, dans la mesure où chacun dépend des autres en particulier du fait de la division du travail, tandis que la communauté consiste davantage dans une simple juxtaposition mécanique de ses membres (p. 29).

Conceptualisation sociologique

En matière de « Catégories fondamentales de la sociologie pure », comme dit le sous-titre, le livre de Tönnies correspond plutôt très souvent simplement à une reprise de ce qui se dit couramment : « on met l'adolescent en garde conte la mauvaise société, mais l'expression 'mauvaise communauté' sonne comme contradictoire » (pp. 47-48). Dans un sens, il aurait été préférable de continuer l'étude des traditions populaires anciennes par un relevé des lieux communs contemporains sur les idées de communauté et société. Il aurait au moins été question d'une sociologie de la connaissance commune. Mais la sorte d'ontologie conceptuelle à laquelle on assiste semble consister à essayer de trouver des justifications intellectuelles à l'idée populaire assez banale que c'était mieux avant. On comprend mieux que le courant völkisch se soit approprié cette opposition qui valorise la communauté traditionnelle contre la société moderne en germe à cette époque. Il suffit de constater que cette conception persiste de nos jours pour comprendre l'importance historique de ce texte.

Le fondement conceptuel de Tönnies consiste à justifier son opposition entre communauté et société par une opposition entre « volonté organique » et « volonté réfléchie » qui semble donc reprendre superficiellement l'idée schopenhauerienne de monde comme volonté et comme représentation. Mais son point de vue (p. 47) vise plutôt la confrontation des volontés humaines qui s'organisent en associations, soit organiques (communauté), soit formalisées (société). L'idée qu'« est organique ce qui est réel » (p. 49) correspond simplement aux formes de sociabilité élémentaires jugées plus originelles (mère/enfant, mari/épouse, frère/sœur (p. 51) : « on se trouve [...] en communauté avec les siens depuis la naissance. [...] On entre dans la société comme en terre étrangère » (p. 47). Tönnies se fonde sur une mystique du sang et du sol : « à la communauté du sang s'ajoute celle de la terre, de la patrie avec une action nouvelle sur la sentimentalité [...]. La terre a sa volonté propre qui maîtrise la barbarie des familles inconstantes [...] le sol représente la cohésion d'une foule vivant dans un même temps. [...] La terre peut se représenter comme une substance vivante qui garde sa valeur spirituelle et psychologique à travers le changement des hommes » (pp. 250-251). A-t-il inspiré Maurice Barrès ?

Sa théorie de la communauté repose sur une conception formaliste d'opposition de forces psychologiques, la communauté de Tönnies concerne parenté, voisinage, amitié, et l'autorité correspond à âge/force/sagesse (p. 55-56). Les élites apaisent les conflits et se pose la question de la limitation de l'inégalité et de forces antagoniques régulatrices (pp. 58, 60). Ce modèle semble vouloir récupérer l'idée rousseauiste : « la sphère de la volonté commune est une masse d'une force déterminée, puissance et droit, une somme de vouloir et de pouvoir » et celle de droit naturel (p. 60-61). Tönnies considère que la langue est issue de la famille proche (p. 62), ce qui me paraît correspondre aux formes dialectales de l'époque. Mais son modèle organique en fait un peu trop un phénomène naturel : « la langue n'est pas convenue, bien que, par elle, de nombreux autres systèmes de signes puissent être arrêtés comme concepts » (p. 63). L'organicisme linguistique est un trait important du romantisme philosophique allemand. L'idée de transmission minimise le learning qui consiste dans ce que l'individu est capable de s'approprier et qui explique d'ailleurs les évolutions linguistiques.

Typologies

Tönnies veut énumérer systématiquement des typologies pour définir a priori l'organisation sociale, mais elles correspondent à une sorte de mélange des catégories culturelles locales traditionnelles (communauté) ou modernes (société) et des références aléatoires à des connaissances encyclopédiques diverses (chasseurs-cueilleurs, monde latin ou grec, la féodalité, etc.).

L'organique se réfère souvent à l'origine : la communauté est première sur l'individu (p. 66), mais la période n'est pas identifiée, et il s'agit surtout de la vie domestique, couple, enfants, serviteurs (p. 67). Il en est de même pour les types d'urbanisme (p. 70), ou de la question de la propriété, du fermage aristocratique, des statuts féodaux (p. 71). Il mentionne d'autres types d'organisations économiques : couvent, sorte de coopérative communale, modèle de la corporation allemande ou société brahmanique en Inde, modèles teutons pour les fermages/rentes aux nobles divers (p. 74). Ces typologies seront affinées par ses continuateurs, comme l'indique Joseph Leif en préface.

La société est caractérisée par des termes souvent négatifs, soit relativement à la communauté, soit de façon absolue. L'idée de « groupe d'hommes [...] organiquement séparés » (p. 81) dans les villes s'oppose aux liens du sang, comme s'il n'y avait pas de liens du sang en ville. Tönnies reprend l'idée hobbesienne de guerre de tous contre tous : « ici, chacun est pour soi et dans un état de tension vis-à-vis de tous les autres » (p. 81), par opposition à la communauté supposée abriter des individus « demeurant d'une manière pacifique les uns à côté des autres » (idem). Ou encore : « personne ne fera quelque chose pour un autre, personne ne voudra accorder ou donner quelque chose à un autre si ce n'est en échange d'un service ou d'un don estimé équivalent au sien » (idem) et « il n'existe pas ici de bien commun » (p. 82).

L'opposition de Communauté et Société est présentée de façon caricaturale : « tout ce qui appartient proprement à [la volonté organique] peut se présenter comme entièrement bon et amical. [...] Au contraire, la pensée égoïste, par laquelle le principe d'individuation atteint son degré le plus élevé, se présente comme entièrement hostile et mauvais » (pp. 154-155). Pourtant, on s'interroge sur la réalité sociale concernée quand il précise : « Par nature, tout homme est aimable et bon envers ses amis (dans la mesure où ils sont bons envers lui) [...], mais d'une disposition méchante et hostile envers ses ennemis (qui le maltraitent, l'attaquent ou le menacent). Chaque homme abstrait ou artificiel n'a ni ami ni ennemi [...], mais ne connaît que des alliés et des adversaires par rapport au but qu'il poursuit » (p. 155). On a bien l'impression que ça revient exactement au même, puisque ce que Tönnies décrit est la façon dont se constituent les définitions d'amis ou ennemis.

Sentiments, féminité et artistes

De même, l'analyse sociale en termes de sentiments aboutit finalement à dire que « la vie ou le vouloir humain [...] peut être considérée comme un processus essentiellement organique et se prolongeant comme tel dans la vie intellectuelle » (p. 171). Ce qui annule encore la différence entre volonté organique et volonté réfléchie. On peut aussi penser que parler de communauté et société en termes de psychologie et de sentiments peut expliquer la critique de Durkheim contre les explications de type psychologique.

Sans doute du fait du contexte romantique, Tönnies croit nécessaire de parler des artistes qui sont censés manifester leur sensibilité, y compris dans le cadre de la société supposée réfléchie et mécanique, alors qu'apparaît contradictoirement que « la formation et l'existence des formes de la volonté organique ont déjà été comparées [...] à une activité artistique » (p. 175). La négation de la réflexion aboutit à concevoir l'art comme organique, ne serait-ce que pour ne pas dénigrer les artistes.

Tönnies s'en sort souvent par une scolastique circulaire : « la véritable liberté de la volonté réside dans son existence qui est la modalité comprise comme un attribut psychique de la substance infinie, incompréhensible, indéterminée, non dans la mesure où cette existence est une modalité, mais dans celle où elle est elle-même sa substance » (p. 179).

Et il s'essaie donc à ce qu'il appelle une signification empirique : « si maintenant nous cherchons à comprendre par ces catégories les caractères distinctifs des hommes, [...] nous apercevons dans ses grands traits l'opposition psychologique des sexes. [...] Les femmes se meuvent le plus souvent d'après leurs sentiments, [...] les hommes obéissent à leur intelligence » (p. 181). Comme la femelle chasse moins [pas la lionne] et que « le mâle [...] en tant que chasseur est bandit » (p. 181), Tönnies pense que le travail intellectuel masculin est fondé sur les perceptions et la prévision (chasse), alors que « la femme peut être considérée comme sédentaire et engourdie » (p. 182). Scheler inspiré de Nietzsche idéalisera aussi le bandit.

Comment concilier les contradictions ? Les hommes sont artistes et artificiels (p. 183), mais la sensibilité féminine « est le rapport direct avec les objets qui caractérise la volonté organique. [...] Il semble donc que le germe du génie, et ce qu'il y a de meilleur en lui, soit un héritage maternel. Ainsi, l'homme génial reste sous bien des rapports une nature féminine » (p. 184). Et la musique est féminine parce que « crier et hurler, jubiler et se plaindre, tout ce qui est riche en tonalités, les rires et les pleurs se déversant en mots, tout cela jaillit de l'âme féminine comme l'eau de source des rochers. La musique est l'expression sonore de la tonalité affective [...]. Toutes les muses sont des femmes et la mémoire est leur mère » (p. 194).

Au passage, Tönnies avait fait une remarque sur le statut des femmes en parlant d'instinct maternel, d'instinct sexuel, mais aussi de tendance à « l'asservissement de la femme qui, faible par nature, peut devenir l'objet de pure possession ou se voir rabaissée à l'esclavage », ce qui est compensé par « l'habitude de vivre ensemble pour se transformer en un rapport durable et un mutuel accord... » (pp. 51-52). Il oppose la communauté des biens du couple aux contrats commerciaux qui égalisent les rapports entre contractants (p. 232).

Il poursuit avec jeunesse et vieillesse (p. 186) : jeunesse féminine, vieillesse masculine, jeunesse innocente où le mal est dû à de mauvaises influences, responsabilité venant avec l'apprentissage : « les enfants sont naïfs, candides, [...] ce qu'ils font de mal résulte d'un esprit qui leur est étranger, qui les domine. C'est seulement par la pensée et le savoir, ou l'apprentissage du juste et du devoir, donc par la mémoire et la conscience, que l'homme se forme et devient responsable, c'est-à-dire qu'il sait ce qu'il fait » (pp. 186-187). Où est passée la volonté organique ?

Culture et classes sociales

Sur sa base des sentiments, Tönnies oppose le peuple et les hommes cultivés, mais c'est en disant que « difficilement comprise dans son sens véritable, il faut reconnaître que la conscience n'est réellement vivante que dans le peuple » (p. 189). Sans doute est-ce dû au contexte folkloriste d'alors. Ce qui ne l'empêche pas de dire que : « les maîtres, les riches, les hommes cultivés, sont seuls réellement actifs et vivants » (p. 276). On constate surtout que le traditionalisme est le critère : « mais c'est seulement l'homme cultivé, savant éclairé, chez lequel le sentiment atteint son développement le plus élevé, [...] selon sa noblesse, son éducation et sa réflexion, qui peut aussi le détruire pleinement par le fait qu'il renie la foi de ses pères et de son peuple, [...] en tant qu'il cherche à le remplacer par des opinions mieux fondées, plus savantes » (idem). Quand Tönnies parle de conscience, il s'agit en fait de morale : « la conscience apparaît de la façon la plus simple [...] dans la honte » (p. 190). L'idée est que la modernité fait exploser les limites par la « conscience réfléchie » par rapport au poids des normes de la société traditionnelle ou de la religion (p. 192).

Notons que l'image de la féminité chez Tönnies reprend surtout les catégories de la médecine antique et médiévale : « le travail que l'on peut qualifier de chaud, de tendre, d'humide, de vivant et d'organique, donc naturellement féminin et par conséquent communautaire [...]. Nous comprenons par-là combien le commerce doit être opposé aux sentiments féminins » » (p. 196). La place des femmes à la maison, pas au marché ou dans la rue est argumentée par des proverbes populaires (pp. 193-194). De fait, le dénigrement de la présence de femmes sur les marchés incite à penser qu'il pouvait exister alors une tentative d'imposer un monopole des hommes face à leur concurrence.

Mais Tönnies constate bien le rôle de ce travail dans leur émancipation, même s'il déplore la perte du lien communautaire : « la femme commerçante, apparition qui n'est déjà plus rare dans la vie urbaine primitive, sort d'après le droit de sa sphère naturelle ; elle est la première femme majeure et émancipée. » (p. 196). Et avec « le commerce d'abord, puis [...] la liberté et l'indépendance avec laquelle l'ouvrière, comme auteur de ses contrats et comme propriétaire d'argent [...] devient éclairée, froide et instruite. Rien n'est plus étranger à sa nature primitive, ni plus abominable. [...] Rien n'est peut-être plus caractéristique et plus significatif pour le processus social de la formation et de la dissolution de la vie communautaire » (p. 197). Il ajoute cependant : « depuis longtemps, on a reconnu et affirmé l'analogie entre le sort des femmes et celui du prolétariat. Leurs connaissances croissantes, comme celle du penseur isolé, peuvent se développer et s'élever à la hauteur de la conscience morale humaine » (p. 198). Ce qui peut permettre d'envisager un accès de la femme au niveau de « l'homme cultivé », dont on se demande si Tönnies le déplore ou en condamne seulement les dérives.

Le principe fondamental est l'opposition entre l'élite et le peuple en matière de sociabilité, dans le cade de l'opposition entre communauté et société : « ainsi la vie du peuple s'accomplit-elle dans la maison, le village et la ville ; l'homme cultivé est citadin, national, international » (p. 200). D'où la colonisation des peuples moins développés, transformés en prolétariat, avec un effet paradoxal : « quand le peuple avec son travail est subordonné au commerce et au capitalisme, [...] il cesse d'être un peuple ; il est adopté par des puissances et des conditions étrangères, il devient cultivé » (idem). Car curieusement Tönnies déclare « que le thème de ce livre relève de la psychologie individuelle » (p. 201), qui doit concerner ici l'acculturation à la modernité internationale.

Références à Marx

Avec cette approche de la société, Tönnies aborde l'économie politique classique, considérant que l'idée « d'échange raisonnable » n'est pas l'utilité, mais le travail (pp. 83-85) : « toutes les divisions du travail humain sont réduites à leur seule mesure possible, le temps de travail » (p. 114). On reconnaît aussi une forme implicite de « critique de la marchandise » et celle de la généralisation de l'argent comme « dépendance de chacun vis-à-vis de la société » (p. 86), avec le cycle marchandise/argent où ce qu'on recherche est l'argent (p. 90). Cela peut consister à idéaliser l'état antérieur de la communauté dans la mesure où, avant l'argent, on était aussi dépendant de liens personnels.

Tönnies expose une théorie du contrat et de la dette qui vise à montrer que la formalisation juridique remplace la coutume. Il assimile souvent la société à la « société » commerciale en le justifiant par la référence libérale de l'« état dans lequel, selon l'expression d'Adam Smith, 'chacun est commerçant' » (p. 90). Tönnies oppose la concurrence aux liens du sang qu'il estime instaurer un bien commun (p. 94) : « ce passage de l'économie domestique générale à l'économie commerciale en général [...] peut être considéré comme s'il était gouverné par un plan [...] des capitalistes » (idem). Tönnies notera plus loin : « la volonté inconditionnelle de s'enrichir fait du marchand un être sans égard [...]. Il est l'homme social réel » (p. 196). Il cite explicitement Marx (p. 96) et parle d'une élite mondialisée tournée vers l'extérieur par opposition à l'autarcie traditionnelle, appuyée par la citation d'Adam Smith : « A merchant [...] is not necessarily the citizen of any particular country » (p. 97). Ce qui repose sur l'illusion que le commerce international n'existait pas auparavant. Les échanges lointains existent depuis le néolithique.

D'ailleurs, Tönnies semble aussi concéder ici que sa division entre communauté et société est factice, puisque « toutefois, toutes ces activités, dans la mesure où elles désirent aider par surcroît et de manières diverses des besoins réels, [...] peuvent être considérées comme des fonctions auxiliaires d'un organisme qui les renferme... » (p. 98).

Bizarrement, d'ailleurs Tönnies utilise la référence au principe économique (marxiste) où « le marchand [...] achète de l'argent avec de l'argent, même si c'est par l'intermédiaire de la marchandise » (cycles A-M-A opposé à M-A-M) dans son chapitre sur l'esclavage (p. 99). Pour lui, le capitalisme rend esclave avec l'argent par opposition à la fabrication autarcique dans une sorte d'état de nature rousseauiste, avec une glose qui mélange plus-value, dialectique du maître et de l'esclave, l'égalité des droits à la naissance, thème de l'échange inégal (pp. 99-100).

Il serait plus juste d'observer qu'historiquement la diffusion de l'échange en argent permet l'apparition du travailleur libre par opposition aux sociétés esclavagistes antérieures. Les définitions de Tönnies relèvent d'une justification naïve du féodalisme, sans qu'il se place dans une perspective historique proprement dite, mais plutôt ontologique : « la redevance, en tant que participation de l'inférieur à la vie et à l'économie domestique du supérieur, prend place à côté du salaire comme don que le supérieur remet à l'inférieur. [...] Les deux ne sont rien d'autre que des expressions visibles de remerciements pour un bien dont on a profité » (p. 226). Outre l'inconvénient de la lecture psychologisante, on peut préférer le stade monétaire du travailleur libre.

Tönnies semble reprendre Marx pour dire que l'argent perpétue l'exploitation (p. 100). Le problème est que l'incrimination de la « société » semble créditer un paradis perdu de la « communauté ». Ce refus monétaire lui fait préférer le paiement en nature de la situation féodale : « il faut d'abord que la terre soit convertie, par la représentation, en argent ou en valeur argent, ce qui arrive quand elle est uniquement considérée comme moyen et les rentes comme but absolu » (p. 102). Cette problématique marxiste était un exemple qu'aimait citer le sociologue Raymond Boudon. Il s'agit du cas où « le seigneur [...] (non pas comme entrepreneur capitaliste) dans le système où ses locataires sont obligés de travailler sur la terre de sa cour, ce qui par conséquent le rend maître des produits vendables. Toutefois, dans la mesure où les locataires dirigent leur propre exploitation, il ne peut être, dans un cas malheureux, qu'un oppresseur qui ne les extirpe pas de marchandises, mais de l'argent » (p. 103). Boudon approuvait l'explication marxiste qu'un loyer en argent se substituait au paiement par une fraction de sa récolte, ce qui permettait au paysan de choisir les cultures les plus rentables et expliquait l'amélioration des rendements agricoles.

De fait, le fait qu'un artisan grossisse et devient industriel peut se lire en fonction du fait que « le principe 'profit is the sole end of trade' est ainsi appliqué à cette 'économie' la plus ancienne et la plus vraie » (p. 106). Mais Tönnies perçoit ce changement du point de vue de l'opposition entre naturel (communauté) et artificiel (société), explication qu'il plaque sur toutes les questions qu'il traite. Pour l'anecdote, le libéral Boudon aussi répétait, comme le dit Tönnies, que « le commerçant [...] par nature n'a rien à voir avec le travail productif » (p. 107). C'est discutable. L'artisan est aussi un commerçant : la division du travail implique le commerce pour écouler la production. D'ailleurs, la division des opérations productives et commerciales est une réalité formelle même quand c'est la même personne qui accomplit les différentes tâches. C'est sans doute seulement la nouvelle facilité du commerce qui a permis la participation généralisée de tous les artisans aux échanges extra-communautaires.

On peut aussi reconnaître une sorte d'allusion à la plus-value marxiste comme profit du commerçant qui transforme le travail en marchandise (p. 109). Généralement, le raisonnement de Tönnies semble reposer sur l'illégitimité du commerce, bien qu'il dise aussi : « l'échange n'est alors que la forme dans laquelle apparaît un principe de partage suivant l'échelle communautaire » (p. 112). Ce qui annule encore toute sa construction intellectuelle. Il faut être capable de savoir enregistrer une réfutation.

Il faut aussi maîtriser les références qu'on utilise. Quand Tönnies dit que « le marché du travail est complètement séparé du marché des marchandises » (p. 116), on peut lui rappeler que le travail est une marchandise. Et quand il dit que « ce n'est pas la société par actions, mais les travailleurs, qui créent les choses et les valeurs » (p. 117), on se dit qu'il refuse seulement les abstractions juridiques. Et il se contredit immédiatement en disant que « la sphère réelle des commerçants [...] peut alors, dans le système accompli de la production sociale et capitaliste, être considérée comme un service social » (p. 118). Si ce point n'a pas été compris de ses continuateurs, c'est sans doute parce que Tönnies affirme aussitôt « je soutiens le principe que seul le travail crée de nouvelles valeurs » (p. 119), comme pour exorciser sa prise de conscience de sa contradiction.

Conclusion

Le livre de Tönnies est fondé sur son postulat de départ de l'opposition entre communauté et société qu'il essaie de justifier par une sorte de typologie exhaustive des catégories sociologiques. Son approche scolastique lui fait considérer que l'origine constitue l'essence du phénomène et que toute évolution est une décadence, sur le modèle antique (âge d'or, âge d'argent, âge de bronze). Son texte est un mélange laborieux de cours de droit, d'économie, de philosophie, en jouant sur l'opposition entre communauté et société pour prétendre faire une étude sociologique.

On peut simplement admettre que Tönnies décrit bien le passage des sociétés anciennes aux modernes, en insistant sur la transformation des liens informels en liens formels : « tout ce qui résulte de la volonté humaine, ou en est formé, est à la fois naturel et artificiel. Mais au cours de son développement, l'artificiel augmente par rapport au naturel » (p. 239). Ce qu'il déplore constamment en termes d'organisation sociale, comme pour les liens familiaux : « si une obligation civile quelconque lie le père et l'enfant adulte, elle est constituée de telle sorte que le contrat seul lui donne une valeur légale » (pp. 219-220) et les principes naturels « perdent leur fonction représentative et s'individualisent, de sorte qu'en dernier lieu, le fils se présente comme un individu égal vis-à-vis du père, la femme vis-à-vis de l'homme, le domestique vis-à-vis du maître » (p. 240). En réalité, il peut juste s'agir de la différence entre droit coutumier oral (allemand) et droit écrit (romain) qui peut d'ailleurs correspondre à la simple mise par écrit de l'oral, outre les évolutions sociales. Tönnies semble constamment dire que les liens antérieurs étaient innés.

Et tout peut quand même se résumer à un traditionalisme, au mieux féodal : « car chaque droit naturel [local] est en même temps un droit sacré et divin et se trouve sous l'autorité sacerdotale. Il en est autrement quand l'analogie du droit civil est étendue à un domaine illimité pour devenir un droit mondial, [...] car maintenant le droit civil n'est plus qu'une limitation fortuite que s'est donnée la liberté réelle et empirique de l'homme [...] et qu'elle peut détruire, comme deux contractants peuvent supprimer ce qui les lie » (p. 244). Cela semble rejeter les lois de l'Empire (allemand) tout en déplorant une sorte de décadence : « marasme de l'Empire. Les deux développements, d'une part : la mobilisation, l'universalisation se terminant par la systématisation et la codification du droit ; d'autre part : la disparition de la vie et des mœurs à l'intérieur de cette brillante culture de l'État. Ils admirent l'Empire et le droit romain, où ils déplorent la ruine de la famille et des mœurs » (p. 245). Outre le Moyen-Âge exalté un peu plus tard par Scheler, Tönnies semble identifier la situation locale à la décadence antique : « à l'intérieur de la civilisation chrétienne se répète un mouvement analogue au processus antique de la dissolution de la vie et du droit » (p. 246), ce qui est plutôt contradictoire, puisqu'il parle de reconstruction d'un droit écrit et que c'est le christianisme qui a contribué à la fin de l'Empire romain.

Dans certains cas, les gloses de Tönnies portent simplement sur la terminologie juridique ou l'étymologie : « une assemblée représente aussi sa propre personne » pour parler de « personne morale » (p. 212, aussi p. 254). Est-ce pour parler des brevets qu'il dit : « la connaissance garde la propriété supérieure de leur travail, même si l'usage en est réservé à eux seuls comme un droit » (p. 217) ? On a souvent l'impression qu'il fait un jeu de mots sur le terme « société » (industrielle) ou « assemblée générale » (pp. 233-235).

D'ailleurs, la reconnaissance juridique de la personne dans la société s'oppose bien à son statut dans la communauté : « le principe que personne ne peut être maintenu dans la communauté contre sa volonté (nemo in communione potest invitus detineri) coupe les racines du droit communautaire » (p. 247). Comme les marxistes plus tard, Tönnies ne reconnaît pas la réalité de l'individu en disant que « le concept de la personne est une fiction ou [...] une construction de la pensée scientifique » (p. 210). On le doit à l'état de « société », mais la question de l'individuation a existé à toutes les époques. La vraie « construction intellectuelle » est plutôt de croire à un état fusionnel communautaire. Au mieux, cet état peut concerner le stade infantile à toutes les époques. N.B. J'ai déjà rapporté la citation que « Durkheim dit que l'individualisme est de tous les temps [...contre] l'idée reçue selon laquelle l'individualisme commencerait au XIVe siècle » (Raymond Boudon, Y a-t-il encore une sociologie ? p. 102).

Encore une fois, on peut aussi constater que l'opposition entre l'organique et le réfléchi s'estompe : « le développement tout entier est avant tout une multiplication et un élargissement des réalités communautaires et des formes de l'entendement » (p. 230). D'autant que : « le droit peut être compris aussi bien comme volonté organique commune que comme volonté réfléchie commune » (p. 249). Tönnies me paraît juxtaposer des remarques sur les différentes formes historiques de sociabilité sans aucune cohérence, du fait de son postulat initial dont il ne perçoit pas les réfutations qu'il fournit pourtant lui-même.

Tönnies ne nie pas les conflits dans la communauté, mais il les minimise parce que l'organique donne la coutume : « je définis par usage l'analogue de l'habitude, par coutume l'analogue de la sentimentalité. Usage et coutume sont par suite la volonté animale de la communauté humaine » (pp. 250-252). Sa notion de volonté est-elle une allusion à la volonté générale de Rousseau ?

Son livre est d'une construction décousue qui veut tout redéfinir en fonction de son postulat initial, biais de philosophe qui veut construire un système, mais qui n'est qu'un prof qui construit son cours. Tönnies conclura en reparlant du droit, de la coutume, de l'État, de la noblesse et des militaires, du peuple, de l'opinion publique ou de l'Église. Mais il oscille en permanence entre jargon scolastique et banalités naïves, comme quand il parle de la religion : « la foi appartient essentiellement à la masse et au bas peuple : elle est plus vivante parmi les enfants et les femmes. Le dogme est une chose que peu de personnes comprennent, et qu'un nombre plus infime encore peut imaginer : ceux qui le peuvent sont des individus, des hommes et des vieillards subtils et posés » (p. 265). Il retourne simplement à son modèle organique obsessionnel : « la religion est la vie familiale elle-même » (p. 266).

Tönnies terminera son livre par une référence au communisme qui envisage une sorte d'unité retrouvée dans le chemin qui va du communisme primitif jusqu'à l'individualisme avec un possible retour au socialisme étatisé (p. 283). Il venait de dire que « ...la société peut à son tour, dans son développement le plus élevé, se rapprocher d'autant plus de la communauté » (p. 230). On peut y voir une facilité verbale du fait de la parenté entre communauté et communisme. Mais si on considère aussi l'usage qui a été fait de l'opposition entre communauté et société, on peut penser que le livre de Tönnies est le chaînon manquant dans la genèse du fascisme que Zeev Sternhell attribue aux penseurs français. Tönnies serait le remplaçant de Barrès pour sa communauté organique, et l'anticapitalisme de Marx lui-même remplacerait Proudhon (dont Sternhell parle surtout du fait que les « Cercles Proudhon » postérieurs ont rassemblé des antisémites).

Concrètement, on peut constater que de nombreuses variantes des idées de Tönnies sur communauté et société sont celles qui structurent la pensée réactionnaire actuelle. Les élections politiques françaises et mondiales mettent en scène l'opposition entre traditionalisme nationaliste et mondialisme qui peine à reconnaître le multilatéralisme (d'où l'antagonisme général). De ce point de vue, la division habituelle entre droite et gauche sur des interprétations économiques est beaucoup plus secondaire que la conception identitaire implicite en termes organiques qui avait cours dans l'œuvre maîtresse de Tönnies. L'indulgence dont il peut bénéficier comme classique de la sociologie correspond simplement à la mauvaise habitude académique de rendre compte d'un auteur en essayant de donner à son œuvre une cohérence qui n'existe pas et de gommer ses contradictions et ses faiblesses.

Jacques Bolo

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