Les émeutes indépendantistes contre l'extension du droit de vote aux Français présents depuis plus de dix ans en Nouvelle-Calédonie ont fait trop de morts, essentiellement des Kanaks et deux gendarmes. Le corps électoral avait été gelé aux habitants présents au moment des accords de Nouméa de 1988. Le projet actuel du gouvernement vise à étendre le droit de vote aux Français présents depuis plus de dix ans sur ce territoire d'outre-mer.
J'ai publié quelques commentaires à l'article d'Ellen Salvi sur Médiapart, « Emmanuel Macron et sa majorité ont remis le feu à la Nouvelle-Calédonie », paru le 14 mai 2024. En voici la synthèse.
Le droit de vote pour les seuls autochtones, c'est le programme des nationalistes racistes. Accorder le droit de vote après dix ans de présence pour des gens qui sont déjà citoyens français sur un territoire français, ce n'est pas un scandale. Dans d'autres cas récents, on parle du deux poids, deux mesures, non ?
Concrètement, l'embrasement actuel correspond plutôt aux émeutes françaises qui ont détruit les équipements nécessaires aux émeutiers eux-mêmes (ma position personnelle). La situation est surtout que certains montent la tête aux gogos qui les croient en les envoyant au casse-pipe.
Que veulent les indépendantistes de toute façon ? Que les blancs partent ? Et les autres immigrés internationaux ? Veulent-ils être majoritaires en invoquant le refus d'un « grand remplacement » ? Ou plus risiblement que seuls les indépendantistes aient le droit de vote en supposant que tous les Kanaks veuillent l'indépendance (ou qu'ils cèdent à la menace) ? Le point de vue kanak est le droit du sang. Je me demandais d'ailleurs quelle était la situation des couples mixtes (récents) et des métis. Et les Kanaks ont-ils le droit de vote en France s'ils y vivent ?
De plus, que se passera-t-il si les Français partent : les Kanaks pourront-ils assurer l'intendance ou utiliseront-ils d'autres intervenants, comme les Chinois en Afrique ? Les Kanaks seront-ils mieux traités que par les Français ?
En réalité, on est plutôt la situation de la Corse, y compris avec le risque de manipulations étrangères, comme je l'avais prédit exactement à propos du soutien à l'Ukraine :
« La question de l'Ukraine n'est pas différente des autres. L'éclatement de l'URSS pourrait se poursuivre à l'infini par l'autonomie ou l'indépendance des autres régions de la Russie actuelle. C'est vrai de tous les pays. On a vu avec le Brexit que la question se pose de l'indépendance de l'Écosse et de la réunification possible de l'Irlande. La Corse ou les DOM-TOM pourraient prendre leur indépendance par rapport à la France, comme la Catalogne ou le Pays basque pour l'Espagne. La Belgique pourrait se diviser comme l'ont fait la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. On connaît le cas de la Chine qui pourrait aussi éclater (Xinjiang ouïgour, Tibet...) et dont la séparation d'avec Taïwan n'est bizarrement pas entérinée comme telle par la communauté internationale. » (Le révélateur ukrainien 2 : Guerre et Propagande).
et :
« J'ai mentionné ailleurs le cas de la Corse dont l'identité locale est incontestable et où les continentaux ont d'ailleurs des problèmes. Que se passerait-il en cas d'indépendance pour eux ou pour les Corses du continent ? On peut espérer que la solution ne serait pas militaire et s'interroger d'ailleurs sur l'efficacité d'une intervention, vu l'état actuel de l'armée française. D'autant que la Corse pourrait être soutenue par la Russie, l'Italie, la Chine ou qui voudrait semer la zizanie ou s'y implanter » (Paix en Ukraine !).
Bref, l'ironie est que la réalité de la situation nationaliste est simplement d'être à front (national) inversé entre la gauche et le RN. Et c'était contenu dans les accords de Matignon (Rocard a simplement différé le problème, comme pour les retraites selon sa citation connue - il était de la vieille école politicienne). Je n'y ai jamais été favorable en ce qui me concerne.
C'est facile de reprocher à Macron d'avoir rallumé les braises (en s'en réjouissant hypocritement pour certains). L'oppositionnisme systématique remplace simplement des analyses correctes. Le but de la politique n'est pas de foutre le bordel quand on n'a pas été élu pour profiter du mécontentement. C'est un point faible de la gauche qui la décrédibilise. C'est le biais classique de la stratégie stalinienne « classe contre classe » avant le retournement des « fronts populaires », et avec le même effet de favoriser l'extrême droite (quand on parle d'un rappel de la situation des années trente, il faut faire l'analyse complète). Et plus généralement, on favorise donc systématiquement la connerie.
Jacques Bolo
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