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Économie - Juillet 2012

Austérité ou New Deal

Résumé

On reproche à la gauche d'envisager de mener une politique d'austérité de droite. Sa seule alternative est un new deal. Mais il lui faut aussi cesser de faire les choses sans les dire et de considérer que la seule solution est de tenir un double langage.

Récession organisée

La Déclaration de politique générale du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, à l'Assemblée nationale, fin juin 2012, et le rapport de la Cour des comptes, présenté par son président Didier Migaud, début juillet, ont confirmé le programme de réduction du déficit public. Il va falloir trouver une trentaine de milliards d'ici à fin 2013, et une centaine d'ici à la fin du quinquennat. Le président de la République, François Hollande, pense pouvoir y arriver en divisant à parts égales l'effort, sur les nouveaux impôts qui viseraient les plus riches et les niches fiscales, et sur les économies sur les dépenses publiques des secteurs non prioritaires.

Au final, on parle encore de réduire le nombre de fonctionnaires. Globalement cela reviendra à peu près au même principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite que sous le précédent gouvernement. Et pour résoudre les problèmes économiques, on compte encore sur la croissance.

Or, ce n'est évidemment pas possible. L'austérité, c'est la récession organisée. Quand on fait des économies sur certains postes, on impacte forcément la consommation qui diminue le chiffre d'affaires du commerce, ou les recettes des fournisseurs de l'État. Quand on ne renouvelle qu'un fonctionnaire sur deux, cela signifie qu'on laisse au chômage les jeunes qui auraient dû être engagés pour remplacer ceux qui partent à la retraite chaque année. Ce n'est pas l'idéal quand on prétend que la priorité est la jeunesse. Cela revient aussi à augmenter la charge de travail de ceux qui restent, si les postes supprimés étaient nécessaires. Quand les postes étaient inutiles auparavant, ils correspondaient donc à du clientélisme ou une mauvaise organisation.

La solution du gouvernement précédent était qu'on pouvait revaloriser les salaires de la fonction publique. Outre le fait que cela annulait donc la plus grosse partie des économies, cela signifiait que ceux qui restaient augmentaient leur salaire et ceux qui n'entraient pas dans la fonction publique restaient au chômage. La principale conséquence de cette augmentation des salaires était une inflation, spécialement sur les loyers dans la période récente. Ces augmentations des prix touchaient tout le monde, annulaient les augmentations de salaires, et c'étaient les chômeurs qui en pâtissaient le plus.

New deal

La solution de la gauche de la gauche est l'augmentation des salaires, la relance, le protectionnisme, l'interdiction des licenciements, l'intervention de l'État, que les économistes de gauche justifient par le keynésianisme. L'économie prônée par ce libéral interventionniste qu'était Keynes correspond simplement à la social-démocratie et la « gestion du capitalisme » que la gauche de la gauche condamne théoriquement. Mais ceux qui approuvent cette politique ont entendu « augmentation des salaires » et ça leur suffit. La critique courante de cette solution consiste à évoquer la dépendance envers le marché mondial, sur lequel chaque État n'a pas de contrôle. J'ai mentionné ailleurs que la solution de gauche correspondait simplement à la situation coloniale de l'Empire français de jadis. Mais les pays étrangers ne sont pas obligés de nous acheter nos produits et de nous vendre les leurs au prix que nous le souhaitons, comme au bon vieux temps du « rôle positif de la colonisation ». Old deal ! On est au temps du commerce équitable et surtout de la concurrence chinoise.

Dans un article précédent, j'ai montré que la solution globale était plus simple qu'on le dit. Si l'excès du déficit public du budget de l'État est de 2,5 %, il suffit de réduire les salaires des fonctionnaires et les achats de l'État de 2,5 %. Ce n'est pas énorme. Quand on augmente le SMIC de ce montant, la gauche de la gauche s'insurge en disant qu'une augmentation mensuelle de 30 € est ridicule, et que c'est bien la preuve que le Parti socialiste est de droite et Hollande un social-traître. Ça marche dans les deux sens. Une diminution de 30 € est dérisoire et les fonctionnaires les plus pauvres ne seront pas davantage dans la misère avec une telle baisse de revenu. Au passage, on pourrait diminuer le salaire des fonctionnaires les mieux payés, de 5 % par exemple, puisque le déficit budgétaire est en fait de 4,4 %. Comme je le disais dans l'article en question : « Une administration n'est pas destinée à faire du profit, elle ne devrait pas l'être à faire du déficit. »

L'intérêt de la méthode est de ne pas devoir réduire l'embauche de nouveaux fonctionnaires. La question des jeunes est réglée sur ce point. Mais surtout, les administrations n'ont pas à perdre du temps à redéployer le personnel pour obéir à des objectifs comptables. On sait que les restructurations ont un coût organisationnel et des conséquences psychologiques. Ce genre de coupe dans le personnel désorganise les services et l'absence de remplacement générationnel déstructure la transmission de l'expertise. On connaît le cas des hôpitaux où un durcissement du numerus clausus provoque un manque de médecins et d'infirmières.

Un autre avantage est une meilleure prévisibilité dans la planification des formations. Contrairement à l'idéologie de gauche, l'enseignement correspond simplement à un investissement à long terme en vue de débouchés professionnels. Il est important de ne pas déstabiliser les prévisions individuelles ou collectives pour des raisons comptables artificielles qui se résument d'ailleurs, sur le plan social, à une « préférence pour le chômage » au détriment des jeunes.

Pour le partage du travail

Comme on l'a vu avec Ségolène Royal, qui avait fait campagne sur les 35 heures pour la présidentielle 2007, la gauche ne croit pas vraiment à leur effet positif, comme l'avait avoué la candidate après sa défaite. C'est une erreur. D'abord, le principe général est que les politiciens doivent rendre des comptes, comme Royal le prétendait aussi. Je ne sais pas si elle a démenti ça aussi depuis. Ils doivent donc faire campagne sur des programmes qu'ils considèrent comme réalistes. On admet un peu trop facilement qu'on sait qu'ils racontent n'importe quoi. En fait, cette fausse lucidité revient simplement à ne pas vouloir passer pour un imbécile après coup. La réalité est simplement que les politiciens ne sont pas capables de proposer autre chose, ou de mieux argumenter. Mais si les campagnes électorales ont pour seul but de pour nous faire rire, autant voter directement pour des comiques, ce qui avait été envisagé avec Coluche (sans parler des petits candidats).

Je considère comme démontré que les 35 heures, le partage du travail, sont efficaces. L'erreur de la gauche a été de traiter cette question comme celle de la réduction du temps de travail. Cette réduction concernait ceux qui avaient un emploi et correspondait à une augmentation de salaire horaire. Au passage, elle démontre que la désindustrialisation est due à l'amélioration de la productivité et non aux délocalisations. La gauche a aussi tout faux sur cet autre point. La vérité est simple. Le refus du partage du travail s'est manifesté par le refus du partage du salaire, d'où l'opposition du patronat qui voyait donc augmenter les charges salariales. Un partage du travail et des salaires n'avait pas cet effet et permettait d'économiser sur l'énorme coût financier et social du chômage. Les aides aux entreprises pour faire admettre le passage aux 35 heures ont plombé encore plus le système.

On sait que le chômage partiel a été la solution employée par l'Allemagne, ce qui lui a permis de ne pas perdre l'expertise professionnelle. Ceux qui disent que le partage de l'emploi c'est le partage du chômage ont raison. Le choix est précisément entre partager le chômage et entre le faire supporter à certains seulement. J'ai eu également l'occasion de dire que ceux qui refusent cette solution ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes s'ils se retrouvent au chômage à leur tour.

Jacques Bolo

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