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Culture (Cinéma) - Décembre 2015

« Belle et Sébastien » in memoriam

Résumé

Quand on parle d'images d'Epinal, il vaudrait mieux ne pas aligner les clichés.

Le cinéaste Christian Dugay vient de faire un remake au cinéma de la mythique série télévisée enfantine des années 1960-1970 Belle et Sébastien. Un article du Monde du 8 décembre 2015, par Isabelle Regnier, « Belle et Sébastien : L'aventure continue : le petit orphelin et le gros chien sont de retour », en parle en ces termes :

Belle et Sebastien

Déjà, Les Choristes, qui traite d'un pensionnat tenu d'une main de fer par un directeur tyrannique n'est certainement pas une idéalisation de l'époque ! C'est quand même une évidence pour tous ceux qui l'ont vu. De même, le curé n'était pas vraiment « universellement respecté », comme le savent tous ceux que berçaient les affrontements cinématographiques de la série des Don Camillo (curé de choc joué par Fernandel) contre Pepone (maire communiste joué par Gino Cervi). Ce qui, bien que transposé en Italie, décrivait assez bien la situation française. La culture cinématographique a ses bases (entre les années 1952-1971) ancrées dans la sociologie.

Mais surtout, rappelons qu'à l'époque de la diffusion du feuilleton, le petit Sébastien était joué par Mehdi El Glaoui, fils de la réalisatrice Cécile Aubry. La « France blanche » correspondait alors d'ailleurs à la période coloniale, de l'Afrique à l'Indochine, outre les DOM-TOM actuels. Tout le monde le savait très bien. De nos jours, il semblerait qu'on se fasse une idée fausse de l'époque antérieure à la décolonisation. On n'en a retenu que la Guerre d'Algérie, en oubliant au passage celle d'Indochine, côté français, du fait que les Américains avaient pris la suite avec la Guerre du Vietnam.

La réalité de l'époque coloniale était plutôt une société plurielle, à la diversité réelle, mais pas assumée du fait que le sous-développement des colonies semblait confirmer l'inégalité sociale, d'où émergèrent quand même les élites qui ont précisément laissé leur nom dans l'histoire. Il en résultait une conception finaliste et évolutionniste du progrès, contre l'ethnocentrisme duquel Claude Lévi-Strauss avait écrit Race et Histoire, en 1952 même. Mais comme je l'ai montré, le malentendu résultait plutôt des ambiguïtés de la confrontation entre culture savante et idéologie politique courante. Cet ethnocentrisme était évidemment lui-même un stade endogène à dépasser, mais croire le surplomber avait tendance à l'entériner.

L'erreur actuelle, avec le même biais, est plutôt le résultat de l'infantilisation hollywoodienne, bien intentionnée, mais assez inefficace, si elle n'est pas hypocrite. C'est ce qui explique la critique du « politiquement correct » de la part des réactionnaires qui se sont emparés du rôle de contestataire de l'ordre égalitariste et multiculturel qu'ils prétendent établi, mais qui n'existe précisément pas encore. Ce qui manque est une description exacte de la réalité. Les fictions n'échappent pas à l'histoire, elles en reflètent les contradictions.

C'est bien de notre époque que parle la critique du Monde, Isabelle Regnier, et de l'inconvénient des remakes qui perpétuent une réalité caduque. Dommage que son analyse soit gâchée par les maladresses du traitement des références qu'elle mentionne. Reflet paternaliste persistant des contradictions de l'histoire.

Jacques Bolo

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