Cette affaire Alexandre Benalla est un bon exemple d'affaire médiatique. Ce chargé de mission de l'entourage du président Macron a été pris en flagrant délit de bastonnade de manifestants au cours d'une manifestation du 1er mai 2018, place de la Contrescarpe à Paris. L'épisode commence quand on lui avait proposé de participer à l'encadrement de la manif en tant qu'observateur avec les forces de police. Sous prétexte qu'il s'agit d'un proche du président, malgré les dénégations initiales maladroites habituelles, la presse fait une montagne d'une souris et les opposants politiques s'en emparent en invoquant les grands principes. Comme je le disais dans mon article précédent sur le sujet, il semble qu'on en est revenu à la Quatrième République où l'on essaie de faire tomber le gouvernement tous les mois, mais comme la Cinquième est beaucoup plus stable, ça ne sert absolument à rien. Deux motions de censure, de droite et de gauche, ont été déposées à l'assemblée et évidemment rejetées le 31 juillet par la majorité présidentielle.
La nouveauté est simplement que ces affaires fournissent les images et les vidéos en temps réel sur les réseaux sociaux. On a pu visionner la vidéo de l'incident et les images de l'omniprésence de Benalla dans l'entourage immédiat de Macron dans tous ses déplacements. On a appris qu'il avait déjà été sanctionné pour l'affaire de quinze jours de mise à pied, ce que l'opinion a estimé insuffisant, l'opposition parlant d'un scandale d'État. Les différents services de police et de gendarmerie se sont renvoyés la balle selon leurs mauvaises habitudes qui tendent à décrédibiliser la moindre de leurs déclarations jusqu'au risible.
L'incident lui-même semble le résultat d'un cafouillage. Cette partie de la manifestation avait été appelée par les étudiants et la France insoumise plus ou moins sur les restes de celle du 1er mai pour tenter de maintenir des mobilisations étudiantes ou cheminotes en train de s'essouffler. La personne bousculée et frappée à terre par Benalla aurait, selon lui, lancé un projectile sur les policiers. Selon les manifestants, ce serait un simple client du café. La présence des black-blocks avait servi de motif à la charge des CRS pour dégager la place.
Après une débauche d'article de presse et de commentaires sur les réseaux sociaux, Alexandre Benalla a été interviewé lui-même par Le Monde daté du 26 juillet 2018. On a aussi appris qu'il était un réserviste de la gendarmerie. Un point évident de cette interview est que Benalla a « le sentiment d'avoir fait une grosse bêtise » et pour tout dire c'est simplement à ça que se réduit toute cette histoire. Accessoirement, il semble surtout que le simple chargé de mission qu'il était a voulu avoir une légitimité sur le terrain face à un entourage du président constitué d'élèves de grandes écoles. Il a fait du zèle et ça a merdé. La révélation très tardive (en juillet pour un fait arrivé en mai) de cette affaire peut d'ailleurs relever du règlement de comptes entre services de l'Intérieur, de la gendarmerie ou de la présidence. Le même 26 juillet paraissait un article sur la réunion tenue par Macron devant ses troupes pour faire un numéro disant qu'il assumait lui-même la responsabilité de toute l'affaire, ce qui relève aussi d'un affichage parfaitement gratuit. Ce président aime trop les symboles.
Sur le fond, Benalla justifie ses violences personnelles par les violences précédentes des black-blocks, auxquels il assimile les manifestants de la Contrescarpe, qui se défendent néanmoins d'en faire partie. On peut admettre que les black-blocks ont une tendance au simple hooliganisme justifié par de fausses généralités altermondialistes un peu ridicules. L'hypocrisie consiste dans le fait que le seul effet politique de ces violences réside dans la possibilité d'accuser ensuite la police et le gouvernement, en souhaitant sans doute qu'il se produise un drame. C'est un jeu débile où il ne faut pas être le couillon qui morfle. C'est d'autant plus absurde que ce ne sont certainement pas les participants à ces violences qui vont retirer les marrons du feu, mais plus vraisemblablement l'opposition parlementaire et les populistes. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en Mai 68 avec le retour de bâton qui a mis en lumière le rôle de la majorité silencieuse.
Le véritable sens de toute cette affaire concerne la nécessité d'une appréciation juste de la valeur réelle des événements. On constate cependant que ce n'est pas le cas et que les médias ont vraiment du mal à savoir hiérarchiser l'information, comme ils le prétendent pourtant. La simple réalité est que même au plus haut niveau il peut y avoir des cafouillages et des conneries qui auraient dû être évitées. Ce n'est pas la peine d'en faire toute une affaire d'État, comme on dit d'habitude, et cela s'applique au sens propre ici.
Jacques Bolo
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