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Politique - Décembre 2014

Xynthia : La tempête judiciaire

Résumé

Certains maires revendiquent l'irresponsabilité dans la gestion de leurs communes. Coupables, mais pas responsables, en somme.

Le procès sur les conséquences de la tempête Xynthia a conclu à la culpabilité du maire de La Faute-sur-Mer, en Vendée. Un quartier en bordure du littoral avait été submergé dans la nuit du 27 au 28 février 2010, causant la mort de 29 personnes. Le maire, René Marratier, avait obtenu que la partie de la presqu'île classée en zone rouge inondable par la préfecture soit déclarée constructible. Les mesures nécessaires pour renforcer la digue avaient été négligées, contrairement aux engagements pris pour déclarer les parcelles constructibles.

On peut saluer la fin de l'irresponsabilité pénale des élus. Mais les mauvaises habitudes persistent ! La condamnation du maire à quatre ans de prison ferme (ainsi que ses adjoints) a scandalisé certains représentants de maires de France. La journaliste du Monde a dénigré la « dérive compassionnelle ». C'est devenu la mode de critiquer le principe de précaution.

Or, le tribunal a plutôt été indulgent. Dans la mesure où la responsabilité du maire et de ses adjoints est clairement engagée par ses négligences, ce n'est pas cher payé pour le nombre de victimes. Si l'on considère le conflit d'intérêts avéré de la première adjointe et agente immobilière qui avait vendu les terrains où ont été construites des centaines de villas, on atteint la dérive mafieuse.

L'Eurodéputée Corinne Lepage est cependant un peu optimiste quand elle déclare, dans un article de Libération du 19 décembre 2014 : « Comment considérer qu'une telle situation concerne tous les maires de France ? », pour répondre à ces récriminations qui visent à exonérer les municipalités. Il faut comprendre le processus. Si les circonstances spécifiques des négligences de La-Faute-sur-mer sont bien documentées, c'est surtout parce que le nombre de victimes a imposé d'enquêter consciencieusement et de rechercher des responsables. On ne prend pas la peine de le faire quand il n'y a que des dégâts matériels. On sait que les assurances paieront. Et c'est quand même un problème de nier toute responsabilité spécifique.

Contrairement à ce que dit Lepage, un peu trop conciliante, c'est un fait extrêmement courant que des constructions soient situées en zone inondable. La plupart du temps, il s'agit d'une situation millénaire. Mais l'extension récente des zones pavillonnaires n'a généralement pas tenu compte des nouvelles contraintes de réduction du risque. Cette expérience dramatique de Vendée ou les catastrophes récentes de Nîmes (1988), Vaison-la-Romaine (1992) et d'autres épisodes orageux, ou la perspective d'un changement climatique, pourraient inciter à exiger davantage de précautions.

Ce n'est pas vraiment le cas. Dans le village dont ma famille est originaire, Fons-Outre-Gardon, près de Nîmes, on a construit un petit lotissement dans le bassin du ruisseau de Teulon, pourtant notoirement connu pour déborder à l'occasion. Le village lui-même est pourtant situé sur une hauteur où des terrains sont bien disponibles.

Précisément, au cours du dernier épisode orageux de cet automne 2014, particulièrement pluvieux, des inondations se sont produites juste à cet endroit, comme dans beaucoup d'autres de la région. On peut en constater les effets sur les photos du journal local Midi Libre (celles de Fons-Outre-Gardon entre autres).

Une raison de cette négligence du risque est sans doute un certain fatalisme, puisque les « épisodes cévenols » sont fréquents et risquent de le devenir davantage. Mais les extensions pavillonnaires actuelles ne semblent pas tenir compte des zones de construction traditionnelles, dont on pouvait supposer qu'elles tenaient compte éventuellement de la mémoire collective. Ce n'est pas sûr non plus.

Quoi qu'il en soit, la persistance de la tradition d'irresponsabilité des élus est intenable. L'idée séculaire de fatalité ne correspond plus aux connaissances actuelles. Le refus du principe de précaution, au nom de la nécessité de la prise de risque, est une mauvaise excuse pour justifier la privatisation des bénéfices, électoraux ou financiers, et la socialisation des préjudices qui devraient être traités au pénal ou au civil. La catastrophe de La Faute-sur-Mer a été la goutte d'eau qui permet d'en prendre conscience.

La seule vraie excuse des maires concerne la responsabilité des citoyens de devoir contrôler le travail de leurs représentants. Ceux qui feront pression pour transgresser les précautions élémentaires ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes. On a toujours les élus qu'on mérite.

Jacques Bolo

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