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Médias / Politique - Mars 2012

Une censure peut en cacher une autre

Résumé

Dans un article parlant de la censure, par le président Pascal Binczak, d'un colloque à l'Université Paris 8, Le Monde a censuré un de mes commentaires qui parlait d'une autre affaire, concernant l'Université Paris 8, Pascal Binczak... et moi.

Le président de l'Université Paris 8, Pascal Binczak, vient d'interdire la tenue d'un colloque sur le conflit israélo-palestinien parce qu'il s'intitulait « Des nouvelles approches sociologiques, historiques et juridiques à l'appel au boycott international : Israël, un État d'apartheid ? ». On parle d'une influence du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives). L'argument principal de la part de cette association et du président de l'université est qu'il s'agit d'un meeting politique des opposants à Israël et non un débat universitaire contradictoire. On peut considérer que les uns et les autres continuent leur guerre de positions par intellectuels interposés et que ce n'est pas surprenant.

Comme de toute façon, ce genre de débat ne va certainement pas changer les choses, ni les opinions partisanes des deux camps, on peut effectivement réduire cette interdiction à une censure, aussi inutile que contre-productive. Le président de l'université s'est justifié par une chronique du Monde du 24 février 2012, bizarrement intitulée « Indigne boycottage d'universitaires israéliens », qui ne semble pas être le sujet. Il se revendique d'arguments de neutralité et d'ordre public un peu formalistes. C'est un juriste. Mais comme il s'appuyait aussi sur le fait que « le service public de l'enseignement supérieur [...] tend à l'objectivité du savoir », je suis intervenu dans les commentaires en ligne du Monde pour rappeler la banalité de la situation, ainsi qu'un grief personnel qui m'oppose à lui, en ces termes :

« Je ne suis pas très sûr que les débats universitaires soient réellement contradictoires en général. Ils sont plutôt, le plus souvent, l'exposition de l'opinion d'une chapelle. C'est un problème ancien.
« En ce qui concerne 'l'objectivité du savoir', je suppose que le fait de cautionner un plagiat de mon livre (http://www.jacquesbolo.com/html/plagiat.html) par un doctorant de son université, et de refuser de me recevoir, fait partie de l'éthique de M. Binczak. »

Ce commentaire a été censuré par Le Monde (ou par Binczak, s'il contrôle lui-même les commentaires).

Le censeur peut estimer que mon cas personnel n'est pas pertinent. Mais la censure des commentaires Internet ne concerne que très rarement la pertinence. Dans la mesure où Binczak se prévaut de la qualité universitaire, je m'estime fondé à lui rappeler ma situation. Quand on m'a signalé le plagiat dont j'ai été victime, après avoir effectué un comparatif de mon texte et de la thèse du plagiaire, que j'ai publié en ligne « Un cas de plagiat universitaire analysé », j'ai demandé une entrevue avec le président de l'université, M. Pascal Binczak, qui n'a pas daigné me répondre, ni prendre des sanctions. Je n'ai certainement pas l'influence du CRIF.

Par contre, ce même président a apporté le soutien de son administration à des professeurs qui ont récemment porté plainte contre un de leurs collègues, M. Jean-Noël Darde, auteur un site contre le plagiat universitaire (Archéologie du copier coller). Son argument était aussi qu'en mentionnant le nom de ces directeurs de thèse et de l'université Paris 8, il portait atteinte à la réputation de son établissement. Darde était précisément celui qui m'avait signalé le plagiat qui concernait mon livre (disponible en ligne). Binczak estime peut-être que cette pratique du plagiat est conforme à l'éthique universitaire, mérite son soutien, et n'attache pas la réputation de son établissement.

Le problème de la censure sur Internet est un problème sérieux. Il existe des thèmes sensibles. Certains plus sensibles que d'autres. Dès qu'il est question des immigrés par exemple, on assiste à un déchaînement de propos racistes qu'on doit bien considérer comme normaux, puisqu'on les laisse généralement en ligne, pour peu qu'ils ne soient pas trop menaçants. C'est presque devenu un genre littéraire avec des argumentaires tout prêts. J'ai également signalé que les sites des journaux Internet s'en servent pour booster l'audience. Comme les recettes publicitaires subventionnent la publication d'articles qui provoquent ces réactions, on peut dire que le modèle économique des journaux en ligne intègre donc le racisme.

Or, en France, le racisme est un délit. Le plagiat aussi. Les caractérisations juridiques plus précises (discrimination, incitation à la haine raciale, contrefaçon, parasitisme...) sont disponibles pour ceux que ça intéresse. Chacun sait de quoi il s'agit. La non-dénonciation de crime signifie-t-elle qu'on promeut dans ce cas le débat contradictoire.

Pour mon affaire, on m'a reproché de ne pas aller en justice. Je ne l'ai pas fait parce que je n'en ai pas les moyens. Des expériences similaires récentes, même après un jugement de contrefaçon, montrent qu'il ne fait pas bon s'attaquer à l'institution et que le doute subsiste toujours chez certains, qui soutiennent les plagiaires. J'ai préféré mettre en ligne la comparaison des textes pour que ceux qui sont intéressés puissent se rendre compte par eux-mêmes. Mais justement, un commentaire récent d'un imbécile, qui refuse de la lire, ose précisément affirmer qu'il préfère croire le président de l'université. Dans toutes ces affaires, on voit ce qu'il en est de la crédibilité, celle de Binczak, de l'université, et plus généralement, de la qualité intellectuelle des débats en France, réduite comme on le reproche à ce colloque, au développement d'opinions partisanes. Mais puisqu'on ne censure qu'une des parties, on se dit que la censure fait deux poids, deux mesures.

On comprendra que j'ai des doutes envers « la justice de mon pays ». Et je le regrette.

Jacques Bolo

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