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Médias - Février 2012

C'est la faute des médias :

Bidonnage fatal au « Petit journal » de Canal

Résumé

Yann Barthès a raison : le bidonnage du Petit journal de Canal+ concernant Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly font de lui un vrai jounaliste.

L'infotainment a fait une victime. Toute la crédibilité critique du « Petit journal », l'émission phare de début de soirée de Canal +, animée par Yann Barthès, vient de tourner en eau de boudin.

Quand l'émission a montré, le 5 janvier 2012, Jean-Luc Mélenchon et Éva Joly dans le même train, allant à la même manifestation de soutien à Xavier Mathieu (délégué syndical des Conti), qui refusaient de se saluer et de défiler ensemble, ça a fait rire tout le monde. On a pu se dire que Barthès n'avait pas tort de souligner l'absence d'unité à gauche, la guerre des ego, voire une tension trop évidente. Encore que l'insistance un peu lourde des journalistes était déjà un indice de leur tendance exagérée à afficher une indépendance qui relève parfois de la pose, quand ce n'est pas du spectacle, comme dans ce genre d'émission de divertissement.

Mais quand on a su que Mélenchon et Joly s'étaient salués avant de monter dans le train, et qu'ils l'avaient dit aux pseudo-reporters du « Petit journal », ceux qui trouvent encore ça drôle peuvent être considérés comme complètement berlusconisés. OK, Barthès nous a bien eus, si c'est ça le gag. Mais quand ses envoyés sont refusés dans un bus qui conduit à un meeting, et rejetés à l'entrée de la salle par les militants du Front de gauche, et que Mélenchon refuse de répondre à leurs questions, il ne faut pas qu'ils s'en plaignent au nom de la liberté de la presse. Si ce parti ne veut pas qu'on s'amuse à faire du sampling avec des extraits de déclarations, c'est son droit. On peut admettre cependant que les militants à l'entrée de la salle auraient pu le dire franchement au lieu d'utiliser des prétextes pitoyables (voir l'émission du 22 janvier). On constate ici le vrai défaut des politiciens, la langue de bois, qui justifie le « Petit journal ». Le Front de gauche ne vaut pas mieux que les autres. Mais les envoyés du « Petit journal » ne doivent pas non plus se prendre pour des journalistes s'ils sont des humoristes.

Quand Barthès justifie son montage sur l'absence de salutations en disant que « ce qui compte, pour les politiciens, c'est ce qui se passe devant les caméras », il n'a pas tort. C'est pour cela qu'il y a cinquante photographes devant l'Élysée pour voir les chefs d'État, de partis, de syndicats, se serrer la main. C'est ce dont Coluche, un autre comique qui a eu l'élégance de mourir jeune pour préserver sa crédibilité, disait que quand les journalistes en sont réduits au conditionnel sur ce qui s'est dit dans ces réunions (avec seulement des images à la porte), ils feraient mieux de fermer leurs gueules.

Barthès joue le coup un peu flambart. Il peut toujours se défendre que Mélenchon « veut créer le buzz ». Hou, le vilain ! Un politique qui se sert des médias. Non ? Tu crois que c'est possible ? Tu n'es donc pas le seul ? Les amateurs de buzz comptent les points. Mais c'est un compte à rebours : 5, 4, 3, 2, 1, 0, -1, -2, -3,... Yann Barthès s'enfonce et continue de creuser. C'est fini ! On ne joue plus.

Je le comprends. Il doit un peu serrer les fesses. Tant que ce qu'il montrait était factuel, il était inattaquable : liberté de la presse. Si tout est truqué. C'est plus la même chose. C'est Groland. Les avocats de la chaîne vont s'agiter. Et les amis de Barthès vont commencer à lorgner sur cette place qui commence à lui chauffer les fesses. La télé, c'est un peu comme une élection présidentielle. Y a des places à prendre ou à perdre. Ça rend nerveux.

Jacques Bolo

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