Healer est une sorte de super « voleur à gage », style Yamakasi, assisté d'une super hackeuse qui gère ses contrats. Cette fois, il doit obtenir des renseignements et un prélèvement ADN sur une jeune journaliste qui travaille pour un journal en ligne minable. Elle ambitionne de devenir une grande journaliste et admire un reporter vedette d'un média mainstream, qui est précisément celui qui s'intéresse à elle. Rapidement, Healer est intrigué et devient soupçonneux quand il découvre chez la fille une ancienne photo d'une bande de jeunes adultes, qu'il possède également lui-même et que son commanditaire, sur lequel il enquêtera, possède également. On découvre rapidement que tous les personnages principaux de la série sont liés par un passé qu'ils ignorent. J'ai déjà mentionné que je considérais ce climat familial comme une faiblesse de scénario, fréquente dans les séries françaises.
Du fait de cet encrage dans le passé, la tendance actuelle des séries coréennes à abuser des flashbacks devient ici le principe même de ce drama. Les personnages reconstituent progressivement le passé qui les lie et qui forme la clé de l'intrigue. La particularité réside dans le réalisme de l'attitude soupçonneuse des personnages entre eux à mesure qu'ils découvrent des éléments, alors que la situation est relativement évidente pour le spectateur. L'autre tendance des séries coréennes est de rallonger la sauce par des épisodes trop longs et finalement trop nombreux, surtout si on considère qu'il s'agit ici d'une seule histoire. Même si elle est bien menée, surtout au début, la série aurait été plus efficace avec moins d'épisodes ou des épisodes plus courts.
Les flashbacks permettent de rappeler la répression à l'époque de la dictature en Corée du Sud, qui avait frappé une bande de jeunes journalistes qui défendaient la liberté de la presse. Il régnait un climat de corruption mafieuse, qui persiste lourdement dans l'histoire contemporaine de la série. C'est d'ailleurs une constante de nombreuses séries coréennes. Le journaliste vedette est confronté au conformisme de sa rédaction, dépendant du groupe de médias de son frère. La soumission appuyée à la hiérarchie à la coréenne n'arrange pas les choses. Est-ce une réalité ou le modèle cinématographique de Don Corleone est-il le seul de la fiction coréenne ? Je crains que l'avantage d'une culture différente plus formaliste ne fasse que révéler des mécanismes universels de dépendance et de soumission.
Un intérêt de l'intrigue est de montrer que les protagonistes sont largement impuissants face à cet état de choses : ils ne peuvent pas unir leur force parce qu'ils se méfient les un des autres, ne sachant même pas qu'ils sont dans le même camp et parce que la police est aussi largement corrompue. La presse coréenne est souvent montrée comme vraiment pourrie, avec une sentence définitive énoncée d'ailleurs par le rédacteur en chef du petit journal en ligne : « les gens préfèrent la merde à la vérité », qui contredit un idéalisme, sans trop de consistance, des personnages principaux, d'autant qu'ils se manipulent les uns les autres.
Sur ce fond de complots privés ou professionnels, la série hésite entre les affrontements mode kung-fu d'Healer (souvent pas trop réalistes) contre les mercenaires d'une entreprise concurrente plus corrompue et la romance inavouée qui débute assez rapidement avec l'héroïne et se complexifie progressivement. Le mélange des genres est fréquent dans les fictions coréennes. La série est assez réussie grâce au suspense et aux rebondissements, bien qu'on puisse les anticiper facilement. Il me semble que l'héroïne est quand même moins énergique et indépendante à mesure que la romance se développe.
Une remarque cependant : comme la référence à Superman est explicitement mentionnée par la hackeuse, on pourrait aussi noter que les personnages font semblant de ne pas reconnaître Clark Kent-Healer, dont l'infiltration est plutôt transparente. Tout cela confirme le modèle exagérément manhwa (manga coréen) de beaucoup de séries coréennes. Mais l'ensemble n'est pas désagréable du fait de personnages intéressants et d'acteurs divertissants, servis par de nombreux seconds rôles très crédibles.
Jacques Bolo
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