Ce film de Marcel Carné, sur des dialogues de Jacques Prévert, est un gros vaudeville surtout fameux pour sa distribution prestigieuse et le dialogue culte entre Michel Simon et Louis Jouvet : « - Je vous assure, cher cousin, que vous avez dit 'Bizarre, Bizarre'. - Moi, j'ai dit 'Bizarre', comme c'est bizarre... »
Vers 1900, à Londres, l'évêque anglican Soper (Louis Jouvet), donne une conférence contre la mauvaise influence de la mauvaise littérature policière, visant en particulier l'auteur Félix Chapel, à laquelle assiste son cousin, le botaniste Molyneux (Michel Simon), qui se trouve être aussi l'auteur en question, sous pseudonyme, pour faire bouillir la marmite. Au cours de la séance, l'assassin de bouchers William Kramps (pré-végan) intervient pour dénoncer aussi Chapel, dont les livres donnent de mauvais conseils aux meurtriers. La police le soupçonnait et les inspecteurs qui le suivaient essaient de l'attraper, mais il réussit à s'échapper. Après cette conférence mouvementée, Soper s'invite chez Molyneux.
Une fois sur place, Soper soupçonne son cousin d'avoir tué sa femme (Françoise Rosay), prétendument absente du domicile. Elle voulait simplement dissimuler que ses domestiques avaient démissionné et qu'elle était obligée de se charger de la préparation du dîner. L'artifice narratif est léger puisqu'il suffisait de dire qu'elle les avait renvoyés, mais ça campe le ridicule de la bourgeoisie anglaise d'alors. Ne reste qu'une secrétaire (Nadine Vogel), dont est amoureux le laitier (Jean-Pierre Aumont) qui la relance tous les jours à l'office.
Comme l'évêque s'incruste pour attendre la femme de son cousin (et confirmer ses soupçons) les deux époux choisissent la fuite et vont s'installer à l'hôtel dans le quartier chinois mal famé, où justement réside William Kramps. S'ensuit un vaudeville lourdingue. La police, contactée par l'évêque, enquête avec ses chaussettes à clous (« gros sabots » pour la police). La presse tabloïde anglaise campe sur les lieux du crime, l'assassin tombe amoureux de la femme du botaniste quand le mari n'est pas là, tandis qu'il se fait passer lui-même pour l'assassin de sa femme auprès de ce tueur de bouchers.
La situation s'embrouille de rebondissements parodiques, dans une complication théâtrale improbable, avec des numéros d'acteurs poussés systématiquement jusqu'à l'absurde par le scénariste. On pourrait voir dans ce film un échantillon des vaudevilles du Boulevard du Crime, dont le même Marcel Carné proposera la version documentaire poétique avec le film, Les Enfants du Paradis (1945).
Jacques Bolo
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