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Économie / Politique / Conneries - Mai 2012

Bilan réel des présidentielles 2012

Résumé

Le FN a bien fait l'élection de Hollande par son abstention. Reste à se débarrasser concrètement de sa logique pour traiter réellement les problèmes au lieu de trouver des excuses à ses électeurs. Bref, les conneries, ça suffit !

Pas de quoi pavoiser

Contrairement à ce qu'on entend chez certains, être élu président de la République avec 51,67 % n'est pas un bon score pour le candidat Hollande qui avait démarré à 60 % et qui était encore à des estimations autour de 53 % avant le premier tour. On peut même se dire qu'avec une semaine de plus le président Sarkozy aurait réussi son pari de remonter la pente. Au cours du débat, entre les deux tours, Sarkozy aura réussi à focaliser Hollande sur le vote des immigrés qui a permis de regagner des électeurs FN, et sur le nucléaire qui lui faisait perdre des électeurs écolos. Mais un débat n'aura pas suffit. On comprend pourquoi Sarko en voulait deux de plus.

Comme je le disais après le premier tour, ce sont les abstentionnistes du FN qui ont manqué à Sarko. On peut remarquer au passage, vu qu'on lui reproche de s'être (une fois de plus) compromis, que ce sont donc les électeurs du FN les plus durs contre l'immigration qui l'ont fait perdre. Et Sarkozy aurait donc pu gagner. Il va falloir que Hollande affronte clairement cette idéologie. Au lieu d'essayer de ramener ces extrêmistes à la raison, les socialistes se sont abaissés à leur lécher le cul, avec Ségolène Royal disant que « les électeurs du FN qui s'inquiètent de l'immigration ne sont pas des racistes » et Hollande lui-même disant « il y a trop d'immigrés clandestins » (sans oublier Valls et ses « blancos »). C'est quand même désespérant que la gauche n'ait rien à dire d'autre que leur chercher des excuses (le laxisme règne). Je rappelle (encore et encore) une de mes réponses :

Si on y réfléchit un peu, les immigrés auront plutôt été, au cours des années 1960-1990, le moyen d'éviter les délocalisations par une importation de main-d'oeuvre pour produire à bas coût sur le territoire national. Comme c'est ce qui a permis aux métropolitains de profiter d'une promotion, on constate que le fameux "ascenseur social" est dû à l'immigration ! Si ce n'étaient pas les immigrés qui étaient en bas, ce serait bien d'autres personnes.

Je pense que même des électeurs du FN pourraient en convenir et qu'on pourrait avoir un discours enfin rationnel. Mais apparemment, les socialistes sont incapables de comprendre ou de trouver que c'est un bon argument. Peut-être les Français sont-ils encore plus cons que je le pensais ? Ce n'est pas de bon augure.

Erreurs d'analyses

La présidence Sarkozy a été marquée par une forme d'opportunisme sondagier qui courait après l'opinion au lieu de donner quelques orientations fortes. Elle avait commencé par une idéalisation du modèle américain qui a été cassée par la crise. C'est le modèle social-démocrate qui a protégé la France. Que Sarkozy s'en prévale pour ses moins mauvais résultats tout en condamnant l'assistanat montre que la situation est mal analysée. Ce sont les protections et le secteur public qui permettent de supporter les chocs. On s'en aperçoit quand une faillite touche une zone de mono-industrie et que la moitié de la ville se retrouve au chômage. L'effondrement de la demande détruit aussi le tissu commercial. Aux USA, la ville ferme et les gens s'en vont travailler ailleurs. Mais les États-Unis sont un continent. Pour un Français, cela reviendrait à aller travailler en Pologne ou en Italie. En Europe, c'est plus difficile, à cause de la langue ou des habitudes, surtout pour les Français qui sont moins un pays d'émigration que d'immigration. On ne peut pas se plaindre qu'il y a trop d'immigrés et dire le contraire. On voit actuellement que les Grecs et les Espagnols envisagent de nouveau cette solution.

L'analyse souverainiste n'est pas correcte. En réalité, il existe des régions riches et des régions pauvres. En Europe, on considère qu'il s'agit des pays. Mais les différences existent dans chaque nation. Ce sont ces différences locales que certains sociologues/géographes comme Guilluy étudient pour les opposer aux différences d'origines nationales ou ethniques. Leur paradigme est bien celui de la préférence nationale (« je me comprends ») du FN. Cela revient bien à considérer que les derniers arrivés n'ont pas les mêmes droits. Ce n'est pas en supprimant le mot « race » qu'on va y changer quelque chose. Et ça se prétend républicain !

J'ai montré que les propriétaires de pavillons que le populisme exalte et qui votent FN étaient des capitalistes ratés. Contrairement à ce qu'ils croient, et à ce qu'ils disent, ils ont bénéficié d'aides à l'acquisition, de prêts aidés et de taux fixes, contrairement aux taux variables des subprimes américains. Dans leurs récriminations, ils ignorent que leur remboursement de crédit constitue une épargne, mais ampute évidemment leur consommation. S'ils ont des problèmes de fin de mois, c'est le résultat de leur choix. S'ils se croyaient plus riches qu'ils ne l'étaient, c'est de leur seule responsabilité. Les sociologues qui ne tiennent pas compte de ces éléments sont des imbéciles. Leur faute méthodologique consiste à reprendre le discours du malade et de confondre étude d'opinion et analyse de la réalité. Que les politiques soient démagogiques se comprend, que les sociologues leur fournissent des arguments en fait des « intellectuels organiques », des idéologues. Le fait qu'ils passent pour sérieux montre le niveau intellectuel déplorable du pays.

Contradictions économiques

Le quinquennat Sarkozy a prétendu répondre à ce qu'on appelle la crise (mais comme on parle de crise depuis la crise du pétrole en 1973, j'ai des doutes), par ce qu'on lui a reproché : de favoriser les riches. La version bête le justifie en disant que « quand il y a moins de riches, il y a plus de pauvres » ou ses variantes. Il faut toujours se méfier de la logique. La version économique le justifie par le fait que les riches peuvent investir et relancer la machine. C'est vrai. Mais ils peuvent aussi épargner, consommer des biens de luxe et faire monter les prix (c'est ce qui s'est passé avec la hausse de l'immobilier en particulier) ou investir à l'étranger où c'est plus rentable (délocalisations, évasion fiscale, ...Madoff).

Le risque de la présidence Hollande est de remplacer le clientélisme de droite par du clientélisme de gauche. L'avantage de favoriser les plus pauvres est qu'ils consomment sur place. Encore que les classes moyennes puissent aussi épargner ou se croire, comme on l'a vu, plus riches qu'elles ne le sont en prétendant se démarquer des plus pauvres qu'elles. Les plus fragiles risquent de consommer des importations et de faire aussi monter les prix, mais cela bénéficiera quand même au commerce et, on peut l'espérer, au tissu des petites industries. On se demande au passage pourquoi les petits patrons votent à droite ! Ils n'ont toujours pas compris le fordisme. Les salaires plus élevés permettent plus de consommation. La difficulté nouvelle est l'importance de nouvelles contraintes écologiques et celle de la hausse des matières premières, du fait de la demande des pays émergents, autres pauvres qui ne veulent plus l'être. Cette réalité internationale ne dépend pas de l'autorité d'un président local.

L'opposition riche/pauvre montre que le problème est toujours l'arbitrage entre investissement et consommation. La finance correspond à la gestion des capitaux des riches. La question qui se pose au nouveau président socialiste réside dans le fait de savoir quels sont les moyens de l'État pour agir sur ces deux leviers. Une augmentation des salaires aura la même conséquence pour l'État que pour les autres patrons. C'est pour cela que Sarkozy voulait réduire le nombre de fonctionnaires (avec l'inconvénient précédemment noté de la fragilisation des zones en difficulté). Si Hollande veut être un président normal et ne pas concentrer tous les pouvoirs, que va-t-il pouvoir faire sans empiéter sur l'autonomie des acteurs sociaux-économiques ? J'ai déjà mentionné que c'est Apple et Samsung qui ont une politique industrielle.

J'ai toujours pensé que la solution était de réduire le chômage par le partage du travail, avec partage du salaire. C'est ce que l'Allemagne a accepté avec le chômage partiel que Copé a préféré appeler « le travail partiel » en bon politique (c'est ce qu'on appelle une « politique » industrielle). On peut rappeler que l'Allemagne a précisément dû intégrer des régions pauvres après la réunification ! Le principal intérêt de la réduction du chômage est de diminuer les coûts énormes de l'indemnisation du chômage et une possibilité de réduire réellement les charges des entreprises sans amputer les comptes sociaux. Cette mesure est théoriquement neutre, immédiatement efficace, socialement bénéfique (surtout pour le moral), et économiquement rentable. Si elle n'est pas envisagée, c'est que certains, beaucoup, refusent de partager, surtout avec certains autres.

La gauche avait compris ce partage de travers comme réduction de la durée de travail, par habitude à jouer sur les symboles rétro, et sans réduction de salaire pour les travailleurs en place (avant que Sarko ne leur propose de travailler plus). Il en a résulté ce qu'on sait, et l'opposition hystérique aux 35h en prime. J'avais dit, dans un précédent article, que ceux qui refusent la solidarité ne doivent pas venir se plaindre si c'est eux (ou leurs enfants) que le chômage frappe un jour. Il semble que la fameuse « préférence pour le chômage » (des jeunes, des vieux, des immigrés) a atteint ses limites.

Toute la question du bilan des présidentielles est de savoir si on veut parler de politique... ou de choses sérieuses.

Jacques Bolo

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