EXERGUE
Depuis 2005
Société 28.4.2006

Racisme, Antisémitisme, Stéréotypes (R.A.S.)

Tous racistes ?

L'affaire Ilan Halimi a inquiété beaucoup de monde (à moins que certains s'en soient réjouis). Un jeune juif (simple employé de magasin) avait été enlevé (parce que les juifs sont supposés être riches et qu'ils sont solidaires), puis tué (parce qu'il aurait vu le visage de son ravisseur), par une bande qui s'intitulait elle-même le "gang des barbares", et dont le chef Youssouf Fofana, un Noir, s'est enfui en Côte-d'Ivoire. Ce fait divers a provoqué une montée au créneau de toute la classe politique et s'est terminé par une manifestation où chacun a voulu s'afficher (manifestation qui a d'ailleurs connu quelques incidents entre des Noirs et des juifs radicaux).

On peut donc s'inquiéter des tensions entre ces communautés, après l'affaire Finkielkraut (sur les Noirs de l'équipe de France et les jeunes des banlieues, voir mon article sur l'Affaire), l'affaire Frêche (et les harkis traités de sous-hommes), l'affaire Gallo (qui se demande si le rétablissement de l'esclavage par Napoléon est un crime contre l'humanité), l'affaire Dieudonné (après la levée de bouclier contre un de ses sketches où un juif disait "Heil Israël", et ses déclarations suivantes sur un complot juif [1]). On en vient à se demander si le racisme et l'antisémitisme augmentent, et si les Noirs sont devenus antisémites et les juifs racistes [2] (avec entre autre un vote pour le Front national en 2002 justifié par Roger Cukierman dirigeant du CRIF).

La situation est devenue si absurde aujourd'hui que pour résumer, du fait de l'influence du conflit israélo-palestinien, le MRAP (Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix) défend les Arabes et les Noirs et la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et Antisémitisme) défend les juifs. Il faudrait peut-être arrêter les conneries [3], et faire un petit effort de part et d'autre. La meilleure chose à faire pour ces deux organisations serait de se dissoudre et de fusionner avec la Ligue des droits de l'homme. Car si les adversaires du racisme ne sont pas capables de se mettre d'accord entre eux, il ne faut pas trop espérer l'acceptation de l'autre de la part de ceux tentés par les idées racistes.

Antisémitisme en France

Cette question de l'augmentation de l'antisémitisme en France a été posée récemment en Israël et aux États-Unis, et certains Français ont repris cette thèse. J'ai déjà eu l'occasion de dire qu'elle était fausse [4]. 1) Soit il s'agissait du délire anti-Français des Américains suite à l'opposition française à la guerre contre l'Irak. Les Américains ne comprenant pas la pratique française de la critique envers ses amis [5], car ils raisonnent en terme de "choisis ton camp, camarade !" (des staliniens), en anglais : "Whose side are you ?". 2) Soit il s'agissait d'un avatar de la stratégie traditionnelle d'Israël pour susciter une émigration. 3) Le tout sur fond de stratégie politicienne sur l'insécurité (intérieure ou extérieure) qui a toujours eu l'avantage de souder une nation derrière les hommes politiques au pouvoir. Ce qui est bien utile. Le problème dans ce domaine est qu'une des dernière fois où cette méthode a marché, c'était bel et bien en utilisant l'antisémitisme.

Le problème est que les juifs français commencent à croire à un antisémitisme dont ils essaient de repérer les signes. Mais il est dangereux de généraliser un fait divers. C'est d'ailleurs aussi une méthode de l'antisémitisme ou du racisme. Comme le thème de la mémoire est très présent dans la communauté juive, il ne faudrait pas que ses intellectuels simulent l'amnésie ou que leur mémoire soit un peu trop sélective. Il est vrai qu'ici, quand on parle de mémoire, il s'agit davantage de commémoration que du phénomène psychologique, et plutôt de rituel que de méthode. Il ne faudrait pas non plus confondre littérature, qui peut s'emparer d'un fait divers particulier, et sociologie, qui essaie de mesurer des tendances générales. De ce point de vue, d'ailleurs, notons aussi que l'antisémitisme est justement un cas particulier utilisé en occident pour symboliser le racisme en général. Mais il tend aujourd'hui à devenir un symbole de lui-même, ce qui est absurde [6].

Certes, il subsiste en France un antisémitisme traditionnel qui correspond à celui des groupes néonazis ou au catholicisme traditionaliste réactionnaire. Il est effectivement possible que la montée du Front national corresponde à une sorte de fin des tabous issus de l'après guerre (cf. la citation « le nazisme a discrédité l'antisémitisme »). Encore qu'il s'agisse donc d'un révélateur de ce qui était dissimulé plus que d'une augmentation du phénomène. J'ai pu constater moi-même une manifestation de cette persistance quand une famille de juifs traditionalistes, occupants d'une voiture qui bloquait un carrefour, a été traitée de l'insulte archaïque « youtre ! ». La mode rétro sans doute. On se dit donc qu'il ne faudrait pas se tromper, ni de priorités (les nazis d'abord), ni de pays (les juifs français ne combattent pas les Palestiniens), ni de méthode (combattre le racisme ET l'antisémitisme).

Racisme en France ?

Si les antisémites traditionnels sont aussi racistes, il ne fait aucun doute que les racistes sont plus nombreux. Il est cependant possible qu'il n'y ait pas vraiment de croissance du phénomène, dans la mesure où le nombre de Noirs et d'Arabes qui augmente lui offre plus d'occasions de se manifester (alors que le nombre de juifs reste plus stable). Mieux, il est même possible que l'augmentation du discours raciste (constatée par certains sondages) corresponde au contraire à la preuve d'une meilleure intégration [7] ! L'ancien statut inférieur des anciens immigrés pouvait satisfaire les racistes du fait que chacun soit à sa place. La réaction concernerait donc une mise en concurrence plus fréquente. On peut expliquer ainsi les déclarations de Le Pen qui ne se prétend pas raciste, puisqu'il a des domestiques noirs ou arabes.

Les difficultés d'intégration [8] existantes peuvent ainsi n'être que conjoncturelles ou relatives : 1) la plus forte démographie des immigrés donne une sorte de mini baby boom qui empêche la comparaison (ce phénomène sera en régression à la future génération) ; 2) la période n'étant pas celle de la croissance des années 1950-1970, on ne peut pas comparer l'intégration de l'immigration actuelle avec celle de la vague précédente (espagnole et portugaise) ; 3) comme pour la parité hommes/femmes en politique un retard d'intégration pourrait ne venir que de la tendance conservatrice française à ne pas prendre le risque de la nouveauté. Les départs à la retraite de la génération du baby boom de l'après-guerre commençant en 2006, ce problème devrait commencer à se résorber.

Contrairement aux envolées médiatiques, il existe donc plus de racisme que d'antisémitisme en France. Il s'agit d'une situation de fait et non de droit : le racisme est un délit en France [9]. Certains partisans à sens unique de la tolérance zéro devraient faire très attention. Si certains juifs inquiets de l'antisémitisme en doutent et cherchent des indices mesurables, qu'ils s'interrogent sur la sélection résidentielle ou à l'embauche. Il est facile d'admettre que les néonazis ne louent pas davantage un appartement aux Noirs qu'aux juifs, ou ne les engagent pas. Mais les Noirs ou les Arabes doivent subir cette ségrégation de la part de personnes qui ne se croient pas racistes elles-mêmes, parfois même avec l'aide des autorités (voir Wilkommen, Bienvenue, Welcome). Et qu'on ne me parle pas ici de comptabilité macabre ou de concurrence victimaire ! C'est comme ça que ça marche un raisonnement, et depuis longtemps (Règle 4 de la méthode de Descartes, voir Méthode) !

Ce racisme (partiellement conjoncturel donc) pourrait être relativisé par une interprétation optimiste : cette concurrence nouvelle d'élites anciennement « indigènes » s'insérant dans les classes moyennes et supérieures au lieu de se tenir à son ancienne place relève évidemment de l'élitisme républicain. Les persistances relèveraient d'une société de castes qui a pourtant été abolie en 1789 (pour les juifs, plutôt en 1870, voir "Les bienfaits de la colonisation"). Les Français dit de souche semblent donc se prendre pour des ci-devants aristos qui maudissent la gueuse (la République) de devoir vendre leurs biens, voire leur fille, à leurs métayers ou à des juifs.

Certaines représentations tardent à disparaître, et pour tout dire, sont en retard sur la réalité même. Déjà dans l'entre-deux-guerre, paraît-il, un député français de souche crut devoir s'adresser en petit-nègre à un autre député noir représentant les colonies ! Celui-ci lui répondit quelque chose comme : "Cher collègue, vous pouvez me parler normalement, je suis agrégé de grammaire, comme vous !" (Mort de rire. Il lui a mis la honte grave !). L'erreur est flagrante, mais négligée : les colonialistes ont toujours considéré comme manquant de culture ceux qui parlaient petit-nègre (c'est-à-dire une langue étrangère en plus de leur propre langue), alors que ces colons ne parlaient eux-mêmes souvent que le français (ces indigènes-là sont d'un naïf). Finkielkraut lui-même semble croire que le parler-banlieue est une langue qui confine à l'animalité, comme ce vieux con que j'ai personnellement croisé dans un super marché et qui, dans sa barbe, a traité de singes deux Sri-lankais qui discutaient.

Notons que Finkielkraut croit certainement agir pour le bien des enfants en étant exigeant sur leur diction ou plus généralement leur niveau culturel. Mais son discours normatif, explicitement anti-sociologique, confond analyse et jugement (et confond jugement et condamnation). 1) Soit le discours banlieue est un jeu, et il se trompe sur la capacité des jeunes [10] ; 2) soit il s'agit d'un mélange dû à leur origine, et on ne voit pas comment il pourrait en être autrement : il est équivalent à l'accent parigot ou au parler des classes populaires (qu'on exalte dans les films cultes de l'époque Gabin-Arletty). Or, les métiers de pauvres ne doivent pas répondre aux mêmes exigences que ceux des élites, malgré la confusion induite par l'éducation de masse ; 3) soit il s'agit d'une ghettoïsation à l'américaine, et cela revient à accuser les exclus de ne pas vouloir, ou de ne pas pouvoir s'intégrer. Ce qui devrait lui rappeler certaines de ses lectures du début du XXe siècle concernant les juifs des ghettos d'Europe de l'Est [11]. 4) Il est probable que ce soit un mélange de tout cela et ne rien consigner à la décharge des jeunes est une méthode de procureur plutôt stalinien [12].

Discrimination positive

Il n'en demeure pas moins qu'une sorte de discours raciste semble en train de resurgir. Comme on l'a vu avec Frêche, Finkielkraut, Dieudonné, Julliard lui-même qui traite Dieudonné de crétin pour toute analyse [13] (on attend le même traitement pour d'autres : Finkielkraut par exemple) ; Gallo et le négationnisme momentané de son « socialisme napoléonien » sur le modèle du « socialisme césarien » de Sartre selon Camus. Pour ne citer que ceux de qui on n'attendait pas vraiment de tels comportements [14]. Car bien évidemment, si les digues cèdent, on imagine le flot d'injures et de haine qui se déverse chez ceux qui sont encore moins intelligents que ceux que l'on supposait tels.

Car justement, il est dans la nature du racisme de se croire plus intelligent. On avait déjà vu l'exemple désormais canonique (ou biblique) d'Eric Marty à propos de l'affaire Dieudonné, exemple qui relevait de la bonne volonté incompétente [15]. Mais pour certains, on en viendrait presque à douter un peu de leur bonne volonté, quoique tout aussi universitaire : Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l'Université Rennes-I, dans un entretien à l'Observatoire du communautarisme, peut ainsi pontifier elle-aussi (décidément ! C'est pour ça qu'on les paye ?) : "Le mot « discriminer » n'a a priori aucun sens péjoratif ou répréhensible puisqu'il désigne simplement le fait de distinguer, séparer, sélectionner ou discerner et vous m'accorderez qu'il est en principe tout à fait louable de savoir distinguer les êtres, les choses, les caractères ou les oeuvres". On peut lui répondre aussi que n'importe quel imbécile (sans discrimination) sait pourtant qu'il existe plusieurs acceptions à ce terme.

Quand, en s'abritant derrière Renan, elle déclare que "La discrimination positive marque le retour au droit des orangs-outans.", certains ne se trompent pas d'acception qui illustrent leur article de jolies images (dont la suivante):
orang-outan
qui évoquent quand même certains préjugés racistes. Si Anne-Marie Le Pourhiet critique légitimement les excès clientélistes de la discrimination positive – mais la politique sans le clientélisme est un rêve éveillé [16] (voir Coalitions et clientélisme) –, elle finit par se perdre dans ses présupposés pseudo-méthodologique et idéologiques personnel (hors cette question raciale). Si précisément elle semble effectivement "color blind", comme elle dit, cela signifie bien qu'elle "ne fait donc pas de discrimination raciale", contrairement à ses fausses leçons de sémantique ! A moins que cela signifie, au sens littéral donc, qu'elle ne discerne pas les couleurs (infirmité certes respectable, mais qui n'a pas grand intérêt pour le débat) !

Son problème personnel relève plutôt d'un biais formaliste de juriste, par manque de formation sociologique sans doute [17]. Car si elle ne cède pas elle-même à la discrimination raciale, cela ne signifie pas qu'elle n'existe pas chez d'autres personnes. Ce sont ces discriminations raciales que la discrimination positive voudrait corriger, et évidemment pas les comportements des antiracistes. Ce sont ces deux types de comportements qu'il faudrait être capable de discriminer ! Or le fondement du complexe du juif ou du complexe du Noir consiste précisément en cela que les victimes du racisme et de l'antisémitisme ne savent pas à qui ils ont affaire. Il en résulte sans doute un agacement de celui qui n'étant pas raciste se sent accusé à tort. Ce qui finit par provoquer en retour chez les juifs/Noirs une méfiance envers cette accusation. Car la notion de « complexe du juifs/Noirs » vient donc souvent des antiracistes !

De là vient sans doute aussi l'abus de la notion de racisme anti-blanc. Car il est pourtant facile de comprendre que certaines attitudes de la part de Noirs ou d'Arabes correspondent à de la rancoeur [18]. Sinon autant dire qu'après la Shoah (ou les pogroms et exclusions antérieures en Europe de l'est), on constate chez les juifs un racisme anti-allemand (ou anti-slave) !

Il est d'ailleurs connu que la discrimination positive est un embarras pour certains qui en bénéficient, car leur compétence est mise en doute. Ce qui explique que nombre de ceux qui pourraient en bénéficier en refusent le principe [19]. Mais traitons autrement le problème : Quand vous êtes antiraciste et blanc et que vous voulez louer un appartement, obtenir un emploi, d'un raciste, vous profitez donc éventuellement d'une discrimination positive en votre faveur, sans le savoir donc. Comme la proportion de discrimination dans ces secteurs doit varier entre 50% et 90%, on peut considérer que certains mérites personnels devaient être réévalués à la baisse.

Poussons un peu plus loin : comme les compétences ne sont pas distribuées racialement (toujours selon les antiracistes), on peut donc en conclure que la compétitivité des entreprises ou de l'université française est handicapée par cette sélection de blancs médiocres (et qui en plus se croient meilleurs), qu'ils soient racistes ou antiracistes [20]. Ce qui pourrait expliquer bien des phénomènes économiques récents de perte de compétitivité nationale ! Signalons en outre que traditionnellement, en France, l'école n'optimisant pas les compétences communautaires sur le plan professionnel, l'immigration pourrait être mieux employée dans le commerce international. C'est bien un domaine où les immigrés pourraient être avantagés, et favoriser la France par rapport aux pays qui ont moins d'immigrés. Ceux qui sont responsables de cette situation peuvent être considérés comme objectivement nuisibles à l'intérêt national. Depuis longtemps.

Politiquement correct

La nouvelle mode, à laquelle cède aussi Anne-Marie Le Pourhiet (ou Finkielkraut), consiste à justifier sa liberté d'expression par la résistance au politiquement correct. On aimerait qu'il en soit ainsi. Malheureusement, il s'agirait plutôt, dans le meilleur des cas, de simple esprit de contradiction (jeuniste ou réac) contre le ronron des idées de gauche. Mais si un jeune con devient néonazi pour emmerder ses parents communistes, ses idées n'en deviennent ni vraies, ni originales, pour autant. Au contraire, on peut justement penser que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la réaction à l'immigration et à la mondialisation provoque une réapparition des représentations nationalistes et racistes des années 1930. Comme on connaît certains de ces effets, on peut espérer qu'il ne faudra pas traiter ces questions de la même manière.

Soyons incorrects donc ! Cette idée de liberté d'expression propose cependant l'autre possibilité intéressante de distinction entre la parole et les actes que j'ai déjà mentionnée (voir "L'affaire des caricatures de Mahomet"). Les termes racisme ou antisémitisme eux-mêmes faussent le débat. Éventuellement, avec la complicité intéressée des antiracistes qui y voient une occasion de diviser la droite [21]. Mais il faut constater que le piège à cons, si piège à cons il y a, ne marche que trop bien ! La montée de l'extrême droite se fonde quasi exclusivement sur ce critère xénophobe. Et ces idées, nous l'avons vu chez les intellectuels réputés de gauche, se diffusent par le manque de compétence à traiter ces questions.

Soyons pertinents ! Il faudrait plutôt parler simplement de questions interculturelles qui se posent naturellement du fait de la mondialisation. Le repli sur soi propre à la situation nationale antérieure, aujourd'hui largement dépassée, expliquait le recours à la thématique nationaliste de ces époques. Les problèmes que nous avons connus à cette occasion montraient que ces modèles étaient déjà dépassés depuis le XIXe siècle et sa question des nationalités. Il s'agissait alors d'affrontement d'impérialismes (voir "Les bienfaits de la colonisation"). On est aujourd'hui réellement dans la mondialisation, l'interdépendance, la globalisation des problèmes (énergie, climat, santé, sécurité...).

Soyons clairs ! Car enfin, de quoi parle-t-on quand on parle de racisme, de conflit de civilisation, etc. A-t-on vraiment perdu la mémoire ? Depuis quand les Européens on-t-ils vécu en paix en se considérant les uns les autres comme partageant les mêmes valeurs – judéo-chrétiennes en plus ? La dernière guerre a eu lieu en 1995 entre des catholiques et des orthodoxes en Yougoslavie. Une autre a eu lieu pendant tout le XXe siècle en Irlande, puis en Irlande du Nord entre des protestants et des catholiques. La Flandre veut faire sécession en Belgique parce qu'elle s'estime supérieure à la Wallonie (après avoir été perçue comme inférieure). Inutile donc de rappeler l'antisémitisme millénaire européen. Et d'une façon plus générale et intemporelle les élites ont rarement considéré avoir les mêmes valeurs, et la même valeur, que les pauvres, les roturiers, les serfs, les esclaves (sans discrimination de races ni de religions). Le mot race était employé jadis par les aristocrates pour revendiquer leur nature différente (c'est la république qui a démocratisé naguère ce sentiment de supériorité dans le racisme moderne).

Soyons exact ! Quant à l'immigration, il faudrait aussi comprendre correctement le phénomène. Les immigrés clandestins ne respectent effectivement pas les lois locales, comme disent les juristes formalistes. Mais c'est bien seulement parce qu'il veulent travailler (voir Ségrégation/Dés-intégration). Les immigrés du tiers-monde sont comparables, en terme d'esprit d'entreprise, aux Français qui partent aux États-Unis. Ceci doit être rétabli autant pour l'image de soi de ces immigrés (surtout pour leurs enfants), que pour l'image qu'ils donnent. Et leur mérite serait précisément d'autant plus grand que l'écart culturel serait important. Ne pas le reconnaître ou ne pas le comprendre, est un manque important de compétence. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problèmes, spécialement quand on se souvient des problèmes entre les Européens de niveau et de valeurs prétendument similaires. Comme j'en parle au paragraphe précédent, l'effort de mémoire devrait ne pas être trop grand (s'y reporter au besoin). On pourrait même s'étonner qu'il n'y ait pas davantage de conflits interculturels (voir aussi "Antigone et la constitutionnalité").

Soyons lucides ! La mauvaise nouvelle est qu'il existe en France une sorte de fond xénophobe qui sert de référence à ces discours. Mais ce fond n'est pas spécialement raciste (bonne nouvelle donc). Il correspond plutôt à un tribalisme de petites communautés. Dans la fameuse trilogie de Pagnol (Marius, César, Fanny), l'étranger est celui qui vient de Lyon (M. Brun). Et dans son autre film aussi célèbre, Manon des sources, et son excellent remake, l'étranger bossu vient d'un village voisin (bien qu'il se révèle être le fils inconnu du papé, dont l'autre héritier cause la mort. Tragédie grecque). D'une façon générale l'étranger est donc celui qui n'est pas d'ici. Au point qu'un immigré (d'origine étrangère) installé depuis longtemps peut être considéré dans certains cas comme "du coin" contre un nouveau venu français de souche [22]. Et cela serait une meilleure ou plus optimiste explication au fait que les supposés racistes aient leur juif ou leur immigré (fantasme explicatif des antiracistes pessimistes).

Soyons optimistes ! La bonne nouvelle est sans doute que les gens sont donc moins racistes qu'ils le croient eux-mêmes ou que le croient les sondages qui traitent cette question. S'il est un effet du politiquement correct, ce serait celui-là qui fait confondre le fait d'aborder ce sujet avec le fait d'être raciste. Pour prendre un exemple connu de ce problème, une blague juive n'est pas, une plaisanterie antisémite, voire nazie, contrairement à ce qui semble devenu la norme. Car personne ne croit qu'une plaisanterie belge signifie qu'on veut envoyer les Belges en camp de la mort. Le problème viendrait bien de la compétence pour parler de ces questions [23]. On retomberait, du fait du manque d'actualisation des discussions sur ce thème, dans les vieilles rengaines éculées. Comme on le voit dans l'affaire Finkielkraut, cet intellectuel n'a donc pas beaucoup évolué par rapport à son père pourtant moins cultivé que lui [24] (il devrait donc s'interroger sur sa formation philosophique et sur sa haine de la sociologie).

Le chapitre des plaisanteries (juives ou autres) éclaire aussi le problème. Comme on le dit aussi à leur propos : "il ne faut pas le prendre mal". Or les questions d'identités culturelles sont un thème bien connu de plaisanteries. Comme la France est depuis longtemps un pays d'accueil de très nombreux étrangers ou de migrants régionaux, cela pourrait expliquer un tel mode de discours, car le rire se caractérise sociologiquement par un jeu entre l'accueil et le rejet. On ne le sait pas toujours, mais le terme anglais clown désigne en fait le plouc, le paysan qui vient à la ville, comme Bécassine, venue de Bretagne, dont l'évocation fait encore enrager les Bretons. Au cirque, l'Auguste représente le paysan ignorant des bonnes manières de la ville (de la cour) que lui enseigne le clown blanc (sic). En général, la conclusion est un retournement qui ridiculise le clown blanc snob au profit de l'Auguste plus rustre mais plus malin. Belle leçon de relativité des coutumes. On pourrait aussi y voir un avertissement pour les anciennes élites qui pourraient avoir des surprises (voir ci-dessus, pour l'esprit d'entreprise).

Une version optimiste de la crise actuelle consisterait donc à penser que la socialisation par la plaisanterie a simplement des ratés (rappelons l'origine humoristique de l'affaire Dieudonné ou l'affaire des caricatures de Mahomet – et remarquons leur traitement pour le moins dissymétrique [25] !). Ces relations à plaisanteries, chères aux anthropologues, pourraient constituer une manière de traiter le problème. La question des cultures est un bon sujet de conversation (et d'études), et une bonne matière à plaisanterie (si l'intention n'est pas méchante), où l'on se moque autant de soi que de l'autre. D'autant que la condescendance est bien du racisme, pour le coup. C'est plutôt l'esprit de sérieux qui serait en cause. La gravité est le bonheur des imbéciles disait Montesquieu.

Stéréotypes, valeurs et compétences

Dans l'affaire Ilan Halimi, qui me sert de point de départ, une des motivations de l'enlèvement crapuleux était le stéréotype que les juifs sont supposés être riches et/ou qu'ils sont solidaires. Ceux qui se sont mobilisés ont agité à ce propos le spectre de l'antisémitisme traditionnel, ce qui est à la fois exagéré, et pas complètement faux. L'antisémitisme traditionnel reposait plutôt sur le thème de l'absence supposée d'intégration par les juifs des valeurs traditionnelles de la France chrétienne, thème qui vise aujourd'hui plutôt les immigrés arabes et noirs. La question de l'argent était liée à ces valeurs du fait que les juifs constituaient une sorte de caste de commerçants dans un monde largement non monétarisé. N'oublions pas que le commerce se faisait alors par compte client, c'est-à-dire par des dettes (une ardoise), ce qui pouvait assimiler le commerçant ou le propriétaire [26] à l'usurier (dont le juif était aussi la figure). Les royalistes et la gauche se servaient de ces stéréotypes pour condamner les riches, le capitalisme, l'argent, et les antisémites pour condamner les juifs. Or la condamnation de l'argent n'a plus vraiment cours aujourd'hui, malgré un vieux fond traditionaliste [27]. Les voleurs étaient tout simplement intéressés par l'argent, et non par son abolition.

Par contre, il peut effectivement exister un retour de certains stéréotypes anciens du fait que la propagande antisioniste diffuse certains discours de l'extrême droite classique (selon le principe « les ennemis de mes ennemis sont mes amis »). On sait que le célèbre Protocole des sages de Sion (faux tsariste sur un prétendu complot juif) circule dans les pays arabes. On sait moins qu'en Asie (Inde, Japon, Corée...), où ils sont pourtant absents, les juifs servent de repoussoir cosmopolite pour les nationalistes. Mais il faudrait évaluer plus sérieusement l'ampleur de cette diffusion en France pour ne pas dire de bêtises, et ne pas se livrer aux généralisations propres au racisme.

Une possibilité de régression sur cette thématique pourrait d'ailleurs correspondre au recul du marxisme qui fournissait une représentation plus abstraite (le capitalisme, la bourgeoisie) à la rancoeur contre les riches. En l'absence de ce cadre d'analyse plus général, le capitaliste devient le riche du coin qui est à peine plus riche que soi, comme dans le fait divers en question. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le marxisme a joué ainsi un rôle de contrôle social. Mais on ne va pas revenir au bon vieux temps de la guerre froide et de la lutte des classes, comme le regrettent les gauchistes qui n'ont pas renouvelé leurs cadres théoriques. Il va falloir faire un petit effort d'imagination.

Une difficulté pourra relever de la tendance actuelle, mentionnée ci-dessus, à la résistance au politiquement correct des élites. Comme les médias donnent davantage la parole à la base, il va bien falloir affronter les stéréotypes populaires [28]. Sinon, on va avoir droit aux stratégies utilisées aujourd'hui par l'extrême droite, les négationnistes, etc. sur le mode du « je me comprends » (que les humoristes Élie et Dieudonné avaient mis en scène). Et le résultat serait un vote pour un Le Pen qui « dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas », bien content d'emmerder la gauche caviar et les bobos.

La question est précisément de ne pas penser bassement. Comme Finkielkraut le dit de lui-même à propos de l'affaire de son interview au journal israélien Haaretz : « Le personnage que désigne cet article m'inspire du mépris, et même du dégoût. Je ne suis pas ce frontiste excité nostalgique de l'épopée coloniale. J'essaie seulement de déchirer le rideau des discours convenus sur les événements actuels. » (Alain Finkielkraut : « J'assume », Le Monde, 26/11/05). Toute la question est de savoir, quand on dit des conneries (pensons aux personnages médiatiques déjà cités, Finkielkraut, Dieudonné, Gallo, Julliard, Frêche, Marty, Le Pourhiet) à partir de quel moment ces conneries deviennent du racisme. Le dégoût est sans aucun doute un bon indicateur.

Mais ne soyons pas trop sévère ! D'autant que la question correspond à celle que j'ai déjà traitée à propos des caricatures (voir "L'affaire des caricatures de Mahomet") qui relève bien du thème de la liberté d'expression et du politiquement correct. Le fait que ces deux principes justifient aujourd'hui des arguments racistes est une nouveauté intéressante. Quand Finkielkraut dit qu'il n'est pas raciste, on veut bien le croire, mais alors pourquoi ce qu'il dit le paraît à certains, et même à lui-même ! Pour le même énoncé (ou dessin), plusieurs intentions sont possibles, mais comment les déterminer (les discriminer, dirait Mme Le Pourhiet) ?

On connaît des exemples célèbres, comme « les odeurs » de Chirac, qui pour les uns se réfère à l'odeur des Noirs, et pour les autres aux odeurs de cuisine exotique (argumentant du goût de Chirac pour les cultures extra-occidentales et le multilatéralisme). On pense un peu moins souvent à la chanson du gentil Renaud, sur un Beur, dont le refrain (« J'aime que la mort dans cette vie d'merde / J'aime ce qu'est cassé ce qu'est détruit / J'aime surtout tout ce qu'y vous fait peur / La douleur et la nuit ») pourrait correspondre à l'imaginaire d'un « frontiste excité ». Car il n'a pas appelé sa chanson « Slimane » (comme son « Gérard Lambert »), mais a bien généralisé en l'appelant Deuxième génération [29]. Bref, Il faut instruire également à charge et à décharge.

Une des bases du racisme et de l'antisémitisme consiste à raisonner en terme de tout ou rien (ce qui est aussi un principe républicain et philosophique). Ceci pourrait être l'explication de cela, car il s'agit bien de cette question de la compétence. Il est risqué d'appliquer strictement des principes, pas forcément faux, de manière simpliste (surtout quand c'est son seul intérêt) : stricte égalité contre discrimination positive, athée ou féministe contre le voile, liberté du négationnisme, on ne va pas séparer les enfants de leurs parents en 1940, etc. Inversement, un juste serait celui qui ne respecte pas la loi ou ce qui est supposé être ses propres principes : De Gaulle le renégat, chrétiens (antijudaïques à l'époque) qui aident les juifs, athées ou féministes pour la liberté de porter le voile [30].

La question du stéréotype est au centre de ce débat, ne serait-ce que du fait de son usage quasi-obligé dans les caricatures. On pourrait résumer ironiquement le problème en disant que le problème des stéréotypes est plutôt qu'il n'y en pas assez ! D'une part, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il n'y en ait pas. Un stéréotype est une connaissance minimale. C'est parce qu'on ne possède pas assez de stéréotypes différents qu'on réduit un groupe à un stéréotype unique. La question de l'identité, pour le raciste, est une réduction de l'individu à sa culture par le biais de stéréotypes limités qui sont censés le déterminer. Pourtant, chacun sait que ses compatriotes ne sont pas tous pareils, même s'ils sont supposés partager certains caractères. Donc, même si tous les Chinois se ressemblent (comme disait Raimu dans le film de Pagnol), il ne devrait pas être difficile d'imaginer qu'il existe des différences entre eux.

Tous les Allemands ne sont pas des nazis (même si l'association marquera l'Allemagne à jamais, comme je l'ai dit ailleurs, voir : "Les bienfaits de la colonisation"). Concrètement, il y a des Allemands nazis et antinazis, grands blonds et petits bruns (avec une moustache), intelligents et très très cons, catholiques, protestants... et juifs. Contrairement à ce que pensent les nazis et qui semble être devenu la norme selon des principes culturalistes de purification ethnique issus de cette idéologie de merde, les juifs allemands (éventuellement athées) font partie de la culture allemande, qui comprend par contre éventuellement des sous-cultures, catholique, protestante ou juive allemande (avec leurs athées), avec leurs subdivisions internes d'ailleurs. Un juif allemand est-il plus juif qu'allemand (aime-t-il plus la musique allemande et les saucisses que la musique et la cuisine orientales [31]). Un communiste allemand est-il plus communiste qu'allemand ? Et que dire d'un communiste juif allemand, etc. Comme dirait la sociologie (et donc Edgar Morin), chacun possède des identités multiples.

On ne peut pas penser ces questions sans un minimum de connaissances et (un maximum) de point de vue sociologique. Sinon, on régresse tout naturellement à la façon dont on traitait ces question avant les années 1940. Les mêmes causes, les mêmes références et les mêmes limites, produisent les mêmes effets. Selon ma théorie du racisme par incompétence, on pourrait même considérer les antisémites de l'époque comme des républicains (quoique détestant la république) qui pensaient que les juifs ne pouvaient pas s'intégrer à leurs valeurs. C'est d'ailleurs ce qu'il faudrait admettre en bonne phénoménologie puisque c'était précisément le discours des acteurs sur le terrain (contre l'universalisme abstrait). Notons que les bons pères essayaient pourtant bien d'intégrer les Nègres à la civilisation chrétienne, alors que des pensées dégoûtantes actuelles pensent que ce n'est pas possible [32].

Mais franchement, ce n'est pas gagné, puisqu'un des plus grands penseurs actuels, Claude Lévi-Strauss, dans son ouvrage, Race et histoire, sur ce sujet même, cédait au culturalisme plutôt négateur des individualités et des métissages, en n'admettant que le pluralisme culturel (qu'on appellerait communautarisme aujourd'hui). Ce point mérite bien un commentaire spécifique (voir "Race et histoire"). Bien plus. Personne ne semble s'être aperçu que la caricature, sur l'édition en poche de son livre aux éditions Gonthier, renvoie à un stéréotype plus que douteux de l'imaginaire raciste (déjà mentionné ci-dessus) : celui qui ravale les races ou les cultures exotiques à l'animalité [33] !

Jacques Bolo

Levi-Strauss - Race et Histoire

Bibliographie

Raymonde CARROL, Évidences invisibles

Claude LEVI-STRAUSS, Race et histoire


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Voir aussi :

Notes

1. Au fond, je pense que l'affaire Dieudonné repose simplement sur le fait que les Noirs ont très mal vécu le fait qu'Israël traite avec l'Afrique du sud au temps de l'apartheid. D'où le fait que les Noirs se sentent bel et bien représentés par Dieudonné sur ce point. Pour les gauchistes, dont Dieudonné fait aussi partie (qui comme les juifs ne pardonnent pas), cela s'analyse (sur le modèle stalinien) de la même façon que le soutien des libéraux à la prise du pouvoir d'Hitler, en terme de révélation de la vraie nature (reste marxiste de philosophie essentialiste). Ils ne comprennent pas qu'une alliance peut précisément être conjoncturelle, voire contre nature (Staline avec Hitler, Roosevelt ou Truman avec Staline, etc.). Mais on n'est pas obligé d'apprécier la réal-politique ou le cynisme, et on peut considérer qu'il s'agit d'une faute morale ou politique. Cependant, en tout état de cause on ne peut pas considérer que les Noirs doivent se sentir coupables du nazisme, par un tour de passe passe qui les assimile aux Blancs (surtout en exonérant ces derniers) ! Pour clore l'affaire, Israël et ses soutiens pourraient admettre qu'il s'agit d'un grief légitime sur ce point. [Retour]

2. Notons qu'un formalisme maladif pourrait se réjouir de ce progrès de l'égalité, que les noirs aient le droit d'être antisémites et les juifs racistes. Mais appartenant au parti des objectivistes, je pense qu'il existe de meilleurs combats à mener que celui qui exigerait la possibilité d'entrée des Noirs au Ku Klux Klan et des juifs au parti nazi. Chacun doit être conscient de ses limites. [Retour]

3. J'ai d'ailleurs décidé de constituer les conneries en nouvelle catégorie (faute de créer un observatoire qui supposerait un financement colossal) dans les numéros d'Exergue à venir. [Retour]

4. Dans un de mes articles (Edgar Morin n'est pas antisémite !), je récuse l'identification antisionisme = antisémitisme. Car la solidarité avec les Palestiniens ne vise pas les Israéliens en tant que juifs. L'argument populiste contre le terrorisme selon lequel cela revient au même quant au résultat est évidemment faux (un accident et un meurtre aboutissent aussi au même résultat et personne ne pense que c'est la même chose). Les intellectuels qui utilisent cet argument se discréditent et jouent au final contre leur camp. Comme pour Morin lui-même, confronté aux grands problèmes de l'actualité, il s'agit au fond d'un problème de compétence et d'idéalisme : la bonne volonté ne suffit pas dans un conflit et il ne faut pas croire résoudre tous les problèmes sur le papier. D'ailleurs tout le monde connaît la solution : il faut la paix et vivre normalement (et pas seulement en Israël/Palestine). Mais comment y arriver est plus difficile, surtout quand la tendance contemporaine dans les deux camps est de jouer sur la surenchère radicale souvent simplement pour des motifs politiques internes de partage du pouvoir[Retour]

5. Comme l'a très bien montré Raymonde Carrol dans son livre Évidences invisibles, sur les différences dans un couple franco-américain. [Retour]

6. Il est précisément possible que les intellectuels juifs confondent pensée et autofiction. Le thème de l'unicité de la Shoah a apparemment produit l'effet pervers de ne sembler plus concerner personne d'autre que les juifs ! Ce qui risque évidemment de la réduire logiquement à un accident de l'histoire (voir "Unicité et négationnisme"). [Retour]

7. Car malgré les insatisfactions légitimes dans ce domaine, les noirs et les arabes sont bel et bien de plus en plus visibles, non seulement dans le cadre revendicatif, mais bien dans le cadre professionnel normal. Évidemment pas aux premières places, mais il ne faut pas non plus reproduire le discours des Yuppies des années 1980-90 qui anticipaient un peu trop sur leur plan de carrière. D'autant que les départs à la retraite tendaient à être retardés ces derniers temps (avant les départs massifs imminents). [Retour]

8. Intégration par la société et non le contraire (voir "Ségrégation / Dés-intégration"). [Retour]

9. Si ! Si ! (voir les textes correspondants[Retour]

10. J'avais été étonné du retour du verlan quand le chanteur Renaud en a relancé la mode. Mais mon analyse avait été alors que la présence de nombreux immigrés avait réactivé la situation de contact de langues ou de dialectes qui existait au début du XXe siècle. Face à cette situation, ceux qui la vivaient la théorisaient en acte par un comportement de jeu sur la langue. On se souvient des argots d'alors, comme le verlan, le louchébem, le javanais, etc. [Retour]

11. Mais le modèle juif ne sert plus qu'à se comprendre lui-même. Il est vrai que le capitaine Dreyfus était un mauvais élément mal noté par sa hiérarchie. Sans doute une difficulté à s'intégrer due à ses origines. [Retour]

12. Sa philosophie phénoménologique régresse sans doute, sur le plan de la méthode, à celle du Merleau-Ponty qui justifiait les procès staliniens dans Humanisme et terreur. Pour le satisfaire, il faudrait sans doute que les indigènes fassent leur autocritique et reconnaissent leurs erreurs. Avec lui-même dans le rôle d'avocat peut-être ? [Retour]

13. Voir ma note 1, ici même. [Retour]

14. Comme dirait un invité sur TFJ (Télévision Française Juive), on ne peut faire confiance à personne, l'antisémitisme (le racisme) est toujours latent. [Retour]

15. Comme je l'ai écrit dans mon article "Pour en finir avec l'affaire Dieudonné" : « L'universitaire Eric Marty, dans un article du Monde du 7/3/2004, titré "Que Dieudonné se rassure", commet la boulette du nouveau millénaire naissant en pontifiant : «Israël est la première civilisation du monde à avoir donné aux Noirs une égalité anthropologique absolue en faisant de ces fils de Cham les descendants directs d'un sujet universel – Adam». Or, outre l'outrecuidance dérisoire de cette interprétation inepte, il est pourtant connu (surtout dans le monde anglo-saxon), que cet épisode de la Bible est utilisé traditionnellement comme une justification de l'esclavage. La légende en question attribue aux trois fils de Noé, l'origine des Européens (Japhet), des Asiatiques (Sem) et des Africains (Cham). Cham, maudit par son père qu'il aurait vu nu et ivre, fut condamné à être le serviteur ou l'esclave de ses frères. Ici aussi on pourrait donc légitimement s'inquiéter devant autant d'incompétence dans le monde universitaire et Le Monde journalistique. La bévue n'a pas été relevée, ni par la rédaction du Monde ou les autres journaux (il est vrai qu'en France on manque cruellement de facts checkers à l'américaine), ni par les universitaires qui maintiennent donc en poste, soit un idéologue esclavagiste, soit un incompétent : il est vrai qu'il n'est qu'un professeur de littérature, comme Faurisson. Au point qu'on préférerait même qu'Eric Marty soit raciste, il aurait habilement réussi son coup. Hélas (pour ses étudiants) je pense qu'il veut bien faire, mais n'en est pas aussi capable qu'il le croit (comme sa cible Dieudonné). » [Retour]

16. Les exemples qu'elle donne relèvent du jeu politique traditionnel qui consiste à obtenir des privilèges pour sa région. Ce qui explique que les députés de la métropole ne s'opposent pas à ce procédé au profit des territoires d'outre-mer (Corse, DOM-TOM) puisqu'ils ne connaissent eux-mêmes que trop bien cette technique. [Retour]

17. Admettons que ce qu'elle critique est un biais sociologique réel. Mais cela n'invalide pas plus la sociologie que ce formalisme arrogant n'invalide le droit. [Retour]

18. Voir aussi mon analyse de La Haine in "L'Affaire Finkielkraut"[Retour]

19. Anne-Marie Le Pourhiet, qui se croit sans doute elle-même compétente (et elle l'est sans aucun doute dans son domaine), s'oppose donc évidemment à la parité sexuelle. Sur ce principe, elle se moque très légitimement d'avoir ou non des députés femmes. Mais elle commet toujours le même type d'erreur en considérant que certaines ne méritent guère leur poste. Considère-t-elle que tous les hommes députés le méritent ? Son formalisme est à sens unique. Sans doute faut-il voir là un biais conservateur du monde juridique (ou une surcompensation du fait de son sexe). Un peu de sociologie l'entraînerait à ne pas considérer la neutralité comme acquise a priori[Retour]

20. Compte tenu de la crise de l'emploi et de l'immobilier, n'espérons pas trop de la part des antiracistes qui prendraient soudainement conscience du phénomène. Il ne s'agit pas de transformer le monde, mais de l'interpréter. Ou bien, cela permet d'ébaucher un traitement de la question de ce que certains auraient fait pendant la deuxième guerre mondiale. [Retour]

21. Joli coup de Mitterrand qui s'en était vanté devant un de ses députés scandalisé (selon un news magazine). Je crois me souvenir qu'il s'agissait précisément de Max Gallo à l'époque où il était encore d'un antiracisme un peu naïf. [Retour]

22. Inversement, les habitants de petites communes, sur le mode NIMBY (« Not-In-My-Back-Yard » / « Pas de ça chez moi ») répugnent à accueillir les familles nombreuses qui sauveraient pourtant leurs écoles ou services publics. Les étrangers sont particulièrement visés par cette exclusion, mais pas seulement. C'est aussi une idéologie de vieux qui ne veut pas être dérangé par des enfants... Mais au fond, pourquoi garder l'école ! Comme symbole républicain sans doute ? [Retour]

23. Si on pousse un peu, la situation est devenue telle qu'on pourrait même dire que certains juifs racontent des plaisanteries juives et si on rit, on est donc antisémite. Alley, une fois, une petite de mon cru, dans cet ordre d'idée : « Je ne suis pas antisémite, bien que j'ai des amis juifs » – en référence à l'argument inverse des antisémites, et non à mes amis. Désolé de devoir préciser pour ceux qui avaient compris (et non pour ceux qui connaissent mes amis). Mais comme je parle de manque de compétence, je suis obligé d'en tenir compte. [Retour]

24. Quand Finkielkraut semble se moquer de l'équipe de France de football en la considérant comme « Black-Black-Black » et d'ajouter quelque chose comme «  cela fait rire toute l'Europe », il précisera : « Il faudrait qu'on m'entende avant de me condamner. [...] C'est une référence sans méchanceté aux séquelles heureuses du colonialisme et un écho au sourire de mon père quand il notait que les joueurs de l'équipe de France des années 1950 s'appelaient Kopa, Cisowski et Ujlaki et que les Français manquaient à l'appel. » ("J'assume", Propos de Finkielkraut recueillis par Sylvain Cypel et Sylvie Kauffmann, Le Monde, 26/11/05). [Retour]

25. Franchement, les juifs auraient mieux fait d'en rire (jaune). On ne serait sans doute pas là où l'on en est à présent. [Retour]

26. On connaît la chanson du Père Duchesne : «si tu veux être heureux, nom de Dieu, pends ton propriétaire...»[Retour]

27. On peut rendre justice à Marx, contrairement à certains discours le taxant d'antisémitisme, d'avoir tenté d'isoler dans le capitalisme une condamnation du processus en le liant à la bourgeoisie plutôt qu'au juifs. Mais on peut admettre qu'il n'y a pas vraiment réussi, soit sur le plan d'une persistance de la confusion, au moins dans une première période ; soit sur le plan de la condamnation du processus capitaliste une fois isolé, qui conserve précisément cette condamnation symbolique en s'interdisant de penser le commerce[Retour]

28. Les stéréotypes ont une valeur sociologique (ou phénoménologique) en cela qu'ils enregistrent à la fois les réalités sociales (en France, les juifs sont en général plus riches que les Arabes ou les Noirs) et l'image qui en résulte dans les populations. Le fait que les analyses qui en découlent puissent être fausses est un autre problème. Le discours normatif (de la philosophie) pour nier ces stéréotypes échoue généralement. D'autant que le mécanisme actuel de critique du politiquement correct contribue à valoriser l'effronterie du discours populiste (contre les juifs, les Noirs, les Arabes, etc.). [Retour]

29. Peut-être que Renaud ne fréquente pas les Noirs ou les Arabes qui font des doctorats ou qui créent des entreprises (innovantes ou non). [Retour]

30. On va dire que je prêche pour ma paroisse (voir "Antigone et la constitutionnalité"). Mais je pense qu'on ne peut pas prétendre que l'Iran n'a pas le droit d'imposer le voile en pays d'islam comme coutume locale si on impose ses propres coutumes sans aménagement possible (en ratant au passage l'occasion du bandana comme médiation pour un islam à l'européenne). Notons également que ces coutumes libertaires sont très récentes puisqu'il y a trente ou quarante ans une femme ne sortait pas «en cheveux», comme on disait (un peu auparavant), ni un homme sans chapeau. [Retour]

31. Ne serait-ce pas cela l'origine du mépris de certains ashkénazes pour les séfarades : juste une question d'élitisme esthétique ? [Retour]

32. Au point qu'on entend dire que les anciens immigrés, italiens, espagnols, portugais, polonais, et les juifs, sont bien intégrés, alors que les derniers arrivés sont quasiment non intégrables. Constatons qu'il aura fallu du temps pour les premiers. [Retour]

33. Comme le disait le commentateur de « Fou d'animaux », une émission de télévision animalière (Planète, 25/2/2005) : « un singe albinos parfaitement blanc, ce qui lui donne un regard presque humain ». Ou va-t-on, si même les singes non-blancs ne sont plus presque humains ! [Retour]

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